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Les lésions inter-radiculaires en parodontologie

Les lésions intéressant la zone de furcation des dents pluriradiculées sont appelées lésions inter-radiculaires (LIR). Elles représentent un challenge thérapeutique car elles constituent des réservoirs bactériens et des zones anatomiques complexes pour l’accès au contrôle de plaque personnel et pour l’instrumentation professionnelle (fig. 1a, b). L’objectif de ce post est de comprendre l’importance du diagnostic et du pronostic dans le traitement des pluriradiculées.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic des lésions inter-radiculaires est réalisé à partir du sondage parodontal et de la radiographie. Cliniquement, la LIR est un défaut caractérisé par deux composantes.

1. La composante horizontale [1] qui est mesurée avec une sonde de Nabers (fig. 2) :
– classe I (légère) : profondeur de sondage horizontal inférieure ou égale à 3 mm ;
– classe II (modérée) : profondeur de sondage horizontal supérieure à 3 mm ;
– classe III (sévère) : sondage horizontal de part en part de la lésion.

2. La composante verticale [2] qui est mesurée avec une sonde parodontale droite (fig. 3, 4) :
– degré A : profondeur de sondage verticale de 1 à 3 mm ;
– degré B : profondeur de sondage verticale de 4 à 6 mm ;
– degré C : profondeur de sondage verticale supérieure ou égale à 7 mm.

Les examens radiographiques permettent de préciser la configuration de la lésion inter-radiculaire.

Le cliché rétroalvéolaire

Au maxillaire, la superposition de l’image de la racine palatine d’une molaire et de la zone de furcation a tendance à masquer la perte osseuse inter-radiculaire (fig. 5, 6).
À la mandibule, on observe fréquemment une radioclarté inter-radiculaire sous la furcation de plus ou moins grande étendue (fig. 7).

Le CBCT (Cone Beam Computed Tomography)

Le CBCT est un outil de diagnostic complémentaire dans l’exploration des défauts de furcation, l’évaluation osseuse sur les faces vestibulaires et linguales représentant les limites de l’imagerie 2D (fig. 8) [3].

PRONOSTIC

À l’examen clinique initial, la présence d’une LIR au niveau des pluriradiculées est un facteur pronostique défavorable au cours du suivi parodontal. Cela s’explique par la complexité anatomique (LIR maxillaires versus LIR mandibulaires), la difficulté à maintenir une hygiène rigoureuse pour le patient et de désinfection pour le praticien.

Le pronostic dépend principalement :
– de la sévérité initiale de la LIR [4] ;
– des conditions locales associées (hauteur du tronc radiculaire, largeur de la zone de furcation, anatomie du défaut osseux, problème endodontique ou carieux associé) ;
– de la compliance du patient à maintenir une hygiène locale rigoureuse ;
– du traitement parodontal ;
– du programme et de la fréquence du suivi.

La rigueur du suivi parodontal semble être le facteur pronostique le plus important : le taux de survie des LIR est supérieur à 80 % sur des périodes de suivi entre 8 et 22 ans [5, 6]. Néanmoins, au-delà de 8 ans, le risque de perte des molaires avec une LIR est plus élevé que les molaires sans LIR [7].

La présence d’une LIR très sévère (composante horizontale et verticale) permet d’orienter le traitement vers l’extraction de la dent à partir de la phase initiale. Une dent ne sera conservée que si le pronostic parodontal est favorable tout au long du suivi.

TRAITEMENT

Classiquement, l’attitude thérapeutique dépend de la classification de Hamp [1] :
– la classe I est traitée par l’option non chirurgicale (surfaçage radiculaire) ;
– la classe II peut être traitée par la chirurgie conservatrice (lambeau d’accès avec odontoplastie / ostéoplastie, tunnellisation) ou par la chirurgie régénératrice (membrane, comblement, dérivés de la matrice amélaire) ;
– la classe III peut être traitée par la chirurgie résectrice avancée (hémisection, amputation) ou par extraction.

Chirurgie conservatrice des lésions inter-radiculaires

L’objectif de ces techniques est de modifier chirurgicalement l’anatomie de la furcation de la/les dent(s) concernée(s) et de faciliter l’accès au moyen d’hygiène et à l’instrumentation professionnelle.

Lambeau d’accès avec odontoplastie / ostéoplastie
Il est indiqué pour les LIR modérées lorsque l’entrée de la zone de furcation vestibulaire ou linguale peut être aménagée par corono-radiculoplastie associée ou non à une ostéoplastie. Après la réduction de la LIR, la plastie osseuse permet de repositionner/plaquer le lambeau. Les taux de survie sont d’environ 70 % sur une période de 12 à 22 ans [8].

Tunnellisation
Elle est indiquée pour les LIR mandibulaires modérées à sévères sur des molaires avec un tronc radiculaire court, des racines longues et divergentes. Après le débridement chirurgical de la lésion, une ostéoplastie en lingual dans la zone de furcation permet de ménager l’espace pour le passage des brossettes interdentaires. Il peut s’agir d’une séparation de racine transformant les deux racines d’une molaire mandibulaire en deux racines distinctes, restaurées par une prothèse conjointe. Les taux de survie sont très variables (autour de 75 % à 9 ans) ; les taux moyens de carie radiculaire sont d’environ 15,4% [8].

Chirurgie régénératrice (fig. 9a-d)

Le but de cette approche est de régénérer les tissus parodontaux inter-radiculaires détruits par la parodontite. Elle fait intervenir des biomatériaux tels que les dérivés de la matrice amélaire, des substituts osseux et des membranes. Cependant, les LIR répondent mal à ce type de chirurgie. Si elle doit être envisagée malgré tout, le stade d’évolution de la LIR ainsi que l’anatomie du défaut osseux prennent une importance de premier ordre, tout comme la capacité du patient à maintenir un très haut niveau d’hygiène orale.

Chirurgie résectrice

Amputation (fig. 10a-d)
L’amputation radiculaire est la technique d’avulsion d’une racine tout en conservant la totalité de la couronne. Il peut aussi s’agir d’une amputation d’une, voire deux des racines les plus touchées par la perte osseuse. La majorité des échecs étant d’origine biomécanique, c’est la valeur résiduelle (tant sur le plan parodontal que mécanique) de la/les racine(s) restante(s) qui conditionnera le succès de la technique. Très efficace dans les classes II maxillaires en particulier, l’alternative de l’avulsion dans les classes III maxillaires doit être considérée. Les taux de survie sont variables selon les études (85 à 100 % à 5 ans [1] ; 62 à 100 % de 5 à 13 ans [8]).

CONCLUSION

  • L’anatomie radiculaire des molaires supérieures rend le pronostic des LIR maxillaires moins favorable que les LIR mandibulaires.
  • Le traitement des LIR est complexe et nécessite une approche globale du plan de traitement.
  • Un suivi parodontal strict, des stratégies de prévention des caries dentaires et une bonne répartition des charges occlusales sont des éléments indispensables à la réussite des traitements.
  • Considérez-vous que les chirurgies (résectrices et/ou régénératrices) puissent réellement améliorer le pronostic parodontal des dents concernées ou bien ne font-t-elles que retarder l’échéance de leur extraction ?
  • Le maintien des dents pluriradiculées présentant des LIR a-t-elle vraiment un sens sans la définition de protocoles individualisés de prise en charge parodontale et sans l’aide d’hygiénistes dentaires ?
Bibliographie

  • [1] Hamp SE, Nyman S, Lindhe J. Periodontal treatment of multirooted teeth. Results after 5 years. J Clin Periodontol 1975;2: 126-35.
  • [2] Tarnow D, Fletcher P. Classification of the vertical component of furcation involvement. J Periodontol 1984;55:283-4.
  • [3] Walter C, Schmidt JC, Rinne CA, Mendes S, Dula K, Sculean A. Cone beam computed tomography (CBCT) for diagnosis and treatment planning in periodontology: systematic review update. Clin Oral Investig 2020;24(9):2943-58.
  • [4] Nibali L, Krajewski A, Donos N, Völzke H, Pink C, Kocher T, Holtfreter B. The effect of furcation involvement on tooth loss in a population without regular periodontal therapy. J Clin Periodontol 2017;44(8):813-21.
  • [5] Hirschfeld L, Wasserman B. A Long-term survey of tooth loss in 600 treated periodontal patients. J Periodontol 1978;49(5):225-37.
  • [6] Dannewitz B, Krieger JK, Husing J et al. Loss of molars in periodontally treated patients: a retrospective analysis five years or more after active periodontal treatment. J Clin Periodontol 2006;33:53-61.
  • [7] Wang HL, Burgett FG, Shyr Y et al. The influence of molar furcation involvement and mobility on future clinical periodontal attachment loss. J Periodontol 1994;65:25-9.
  • [8] Huynh-Ba G, Kuonen P, Hofer D et al. The effect of periodontal therapy on the survival rate and incidence of complications of multirooted teeth with furcation involvement after an observation of at least 5 years: a systematic review. J Clin Periodontol 2009;36:164-76.
Lectures conseillées

  • Dommisch H, Walter W, Dannewitz B, Eickholz P. Resective surgery for the treatment of furcation involvement: a systematic review. J Clin Periodontol 2020;47 Suppl 22:375-91.
  • Pilloni A, Rojas MA. Furcation involvement classification: a comprehensive review and a new system proposal. Dent J (Basel) 2018;6(3):34.
Post-graduate européen en parodontologie et dentisterie implantaire (Université Paris-Diderot) Master en physiopathologie orale appliquée Exercice exclusif en parodontie et implantologie (Paris)

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