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Rééducation de la déglutition : connaître les cibles pour bien contrôler l’efficacité #1

  1. Rééducation de la déglutition : connaître les cibles pour bien contrôler l’efficacité #1
  2. Rééducation de la déglutition : connaître les cibles pour bien contrôler l’efficacité #2

La rééducation des fonctions oro-faciales est une nécessité admise par presque tous les praticiens lors de la conduite d’un traitement orthodontique, mais il est nécessaire de bien connaître la neuro-anatomie ainsi que la physiologie pour avoir des résultats reproductibles et contrôlables, le simple port d’un dispositif, quel que soit le nombre d’heures durant lesquelles il est porté, étant trop aléatoire.
Elle comprend 2 étapes qu’il est important de différencier : l’engrammation et l’automatisation.

Engrammation

La succion déglutition, mode physiologique pour avaler la salive chez le jeune enfant, est une praxie qui s’est élaborée in utero au niveau du tronc cérébral.
Elle restera physiologique tant que la denture lactéale ne s’est pas constituée et que la mastication n’est pas installée.
Mais à partir de l’âge de 4 ans, un nouveau programme de déglutition se met en place naturellement chez 60% des enfants : la déglutition de type sujet denté.
Par les forces musculaires qu’elle engendre elle favorisera une croissance optimale des maxillaires.
Deux causes principales sont à l’origine du maintien de la succion déglutition :

  • l’enfant n’avait jamais eu l’occasion de découvrir ce nouveau mode de fonctionnement
  • il l’avait découvert, mais le système limbique, passage obligé pour l’engrammation d’un nouveau programme, ne l’avait pas retenu, généralement pour des raisons d’ordre psychologique (immaturité, pouce, tétine, biberon, nourriture trop molle).

Le thérapeute sera amené à mettre en place une stratégie pour permettre cette engrammation. Par voie corticale, l’enfant prend conscience des gestes qu’il effectue habituellement, puis des gestes qu’il doit effectuer, la répétition devant permettre l’automatisation. Eric Kandel, Prix Nobel de Médecine en 2000 pour ses travaux sur la mémoire, a montré que dans ce cas on avait une augmentation des neurotransmetteurs au niveau des synapses. Nous sommes dans la mémoire à court terme mais qui pourra se transformer en mémoire à long terme par un dialogue entre la synapse et son noyau, convertissant les proteines CPEB en prions. Lorsque ce travail se fait naturellement, vers l’âge de 4 ans, par voie sous corticale, on a la création de nouvelles synapses qui créeront un nouveau circuit. C’est pour cette raison que l’on doit intervenir le plus tôt possible.
Froggymouth est un dispositif qui, porté 15 minutes par jour durant quelques semaines devant un écran de télévision (récompense reconnu par le système limbique), va obliger l’enfant à découvrir un nouveau mode de déglutition par voie sous corticale.
En effet, ne pouvant plus serrer les lèvres il sera dans l’impossibilité d’avaler en succion, d’où une réaction immédiate au niveau du tronc cérébral, trouver un nouveau programme de déglutition.

Mais il ne s’agit là que de la première étape, qui sera nécessaire mais pas suffisante pour passer à l’automatisation.

Article écrit en collaboration avec Gérard Altounian

Comments

jeromeproust

Merci pour cet article d’une rare intelligence et dont les principes devraient inspirer davantage notre spécialité. J’aimerai apporter une contribution supplémentaire à votre argumentation. Il faut insister effectivement sur le caractère précoce de la mise en route de ces traitements pour les raisons neuronales que vous citez mais aussi sur le faite que ce traitement puisse être concomitant avec l’éruption des premières dents cuspidées. Le caractère fonctionnel automatisé du mouvement mandibulaire conjugué à la croissance permettra la mise en place harmonieuse des différents éléments protagonistes (dents, ATM, muscles, et circuits neuronaux).

Mais en pratique on assiste très souvent à des tentatives de rééducation (ou éducation tout court) alors que les dents sont sur l’arcade et un traitement ODF en cours ou achevé. Dans ce cas si l’occlusion n’est pas fonctionnelle alors l’automatisation du mouvement ne se fait pas car le mouvement mandibulaire fonctionnel d’élévation ne permet pas d’aboutir à un retour sensoriel, via les propriocepteurs desmodontaux, positif mais nociceptif qui déclenche un signal d’erreur et contrarie l’automatisation. On assiste à un contrôle volontaire (cortical) du mouvement mais l’automatisation ne se fait pas (sous-cortical). Le patient continue à déglutir dents non serrées.

Il y a quelques années Alain BERTOZ avait montré par IRMf qu’il fallait 100 mouvements de saccades oculaires pour visualiser en désengagement des airs corticales au profit des airs sous-corticales témoignant d’une programmation neuronale de l’automatisation du mouvement. Il serait fort intéressant de mener le même genre d’expérimentation sur le mouvement de déglutition afin de savoir combien de mouvements volontaires faut-il faire pour obtenir un engagement sous cortical du contrôle neuronal du mouvement.
En effet, nous constatons aussi chez l’adulte les conséquences d’une déglutition dysfonctionnelle dents non serrées où l’occlusion ne s’est pas établie correctement ou désorganisée petit à petit. Le cas typique peut s’observer après une extraction d’une première molaire mandibulaire non remplacée. Chez le patient qui dégluti dents serrées la molaire distale reste droite dans son alvéole même des années après l’extraction car le rappel 1500 fois par jour à chaque déglutition salivaire joue le rôle de contention naturelle de son occlusion. En revanche chez le déglutisseur dysfonctionnel la molaire distale dérive par une bascule en mésial car les dents ne bénéficient pas de ce maintien fonctionnel. Aussi après une équilibration occlusale conduite dans une relation myodéterminée ( ORC) il est essentiel de mettre en place une déglutition dents serrées pour assurer une stabilité occlusale. La difficulté est de mener cette rééducation chez l’adulte.
Serait-il possible d’envisager l’utilisation chez l’adulte d’un tel dispositif ? Et combien de temps doit-il être consacré pour un passage à l’automatisation?

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