L’empreinte implantaire chez le patient édenté complet #1
L’empreinte mixte plâtre-polyéthers
La réhabilitation prothétique d’un patient totalement édenté est toujours un défi clinique. Les séances d’empreintes bien spécifiques sont souvent redoutées par les praticiens. La mise en place d’implants permet de répondre aux doléances des patients, notamment en termes de rétention, mais la conduite des empreintes se complique encore un peu plus.
Dans cette série de posts, les étapes des différentes empreintes implantaires chez l’édenté complet vont être détaillées, et plus particulièrement les matériaux et leurs mises en œuvre.
La première empreinte décrite est l’empreinte mixte : plâtre-polyéthers pour une PACIR (prothèse amovible complète implanto-retenue). Les polyéthers servent à l’empreinte de prothèse complète conventionnelle ; le plâtre, quant à lui, permet d’enregistrer les implants.
La réalisation du porte-empreinte implantaire individuel (PEI)
L’empreinte implantaire est possible au terme de l’ostéointégration, et de son contrôle clinique et radiologique. L’empreinte implantaire va devoir enregistrer précisément la position tridimensionnelle des implants et la topographie des surfaces d’appui. La prise en charge débute par une empreinte primaire à l’alginate (fig. 1). Cette empreinte sera corrigée puis transmise au laboratoire de prothèse.
Un PEI est nécessaire. Il est assez proche, dans son dessin, du porte-empreinte de prothèse complète. Il s’arrête à 1 mm du fond du vestibule, et il est ajouré en regard des freins et brides. La différence réside dans l’espacement nécessaire au passage des transferts d’empreinte. Pour la même raison qu’en prothèse complète, il est préférable de ne pas réaliser de poignée. En effet, la position des muscles périphériques ne serait pas physiologique. Par conséquent, un bourrelet ou une lame viendra soutenir les tissus en simulant la future arcade dentaire (fig. 2 et 3).
Ce bourrelet est ajouré en regard des implants, formant une « cheminée » qui se doit d’être assez haute pour contenir les transferts, et assez large pour qu’ils ne viennent pas en contact du porte-empreinte (il ne faut pas de contraintes sur les transferts). L’essayage du PEI est une étape essentielle qui doit valider la possibilité de réaliser l’empreinte implantaire, les bords sont vérifiés ainsi que le passage des transferts (fig. 4).
L’empreinte mixte plâtre-polyéthers
C’est à la fois une empreinte de prothèse complète et une empreinte implantaire. La première étape consiste en une empreinte conventionnelle de prothèse complète ; les implants ne sont pas pris en compte.
Deux types de polyéthers sont utilisés pour cette étape : un de haute viscosité « heavy » (Permadyne Orange, 3M) et un de faible viscosité « light » (Permadyne Bleue, 3M). Un adhésif spécifique (Polyéther Adhesive, 3M) est également nécessaire.
L’adhésif est appliqué sur le pourtour du PEI, et le rebordage réalisé avec la Permadyne orange de façon sectorielle. En cas de compression excessive ou d’imprécision de l’enregistrement, le rebordage peut être corrigé par soustraction (avec une lame de bistouri ou une fraise à résine) puis complété à l’aide d’un nouvel incrément de matériau. Il est aussi possible de réaliser le rebordage à l’aide d’une composition thermoplastique (pâte de chez Kerr) (fig. 5 et 6).
Une fois le joint périphérique obtenu, l’adhésif est déposé à nouveau sur l’ensemble du PEI ; y compris sur le rebordage déjà réalisé et la Permadyne bleue utilisée pour le surfaçage. Pendant cette première étape, la « cheminée » est obturée avec de la cire (fig. 7 à 9).

À ce stade, l’empreinte conventionnelle est terminée. Pour finaliser l’enregistrement, il est nécessaire d’enregistrer la position des implants. La cire de la « cheminée » est retirée et le matériau à empreinte en regard des implants est découpé à l’aide d’un bistouri (fig. 10).
Les transferts d’empreintes « à ciel ouvert » sont vissés sur les implants (fig. 11), un contrôle radiographique vérifie leur bonne mise en place. Le PEI est inséré et maintenu en bouche (fig. 12) et, autour des transferts, du plâtre est injecté dans la « cheminée » (fig. 13). Il s’agit d’un plâtre d’empreinte à prise rapide (Snow White Plaster, Kerr), il est préparé avec une consistance liquide pour faciliter sa mise en œuvre. Après s’être assuré de la prise complète du matériau, les transferts d’implant sont dévissés et le PEI est désinséré. L’empreinte est décontaminée puis vérifiée avant d’être traitée au laboratoire (fig. 14).
Une clé de validation en plâtre (plâtre de type IV) sera vissée sur les implants dans un rendez-vous ultérieur afin de valider l’empreinte et le modèle qui en est issu (fig. 15).
Perrin J, Plard H, Catroux E, Gastard Y, Ravalex X. Thérapeutique de seconde intention en prothèse complète implanto-retenue, à propos d ’une « double barre » de conjonction maxillaire. Stratégies Prothétiques 2016 ; 16 (1) : 47-56.
- Quels matériaux utilisez-vous dans ce type de situation ?
Commentaires
Merci Jérémie pour cet excellent post, parfaitement détaillé et documenté.
Simple question : quel type de prothèse est envisagée dans ce cas clinique?
Je crois pouvoir penser que ce type d’empreinte a pour objectif la passivité d’une future armature reliant les 4 implants les uns aux autres n’est ce pas?
Aurais-tu réalisé la même empreinte pour un PAC sur Locator par exemple?
Merci de tes réponses.
GGM.
Bonjour Guillaume, merci pour le retour positif.
Cette patiente a été re traitée suite à un échec de sa première prothèse (complet sur 4 Locator maxillaires : ceux que l’on voit lors de l’essayage du PEI : fig.4).
Nous avions opté pour une PACIR sur barre/ contre barre télescopée l’une sur l’ autre (Isus atlantis).
L’antgoniste est un bridge sur pilotis mandibulaire sur 8 implants.
Le but de l’empreinte était d’avoir à la fois les limites du « complet traditionnel » et la position des implants (avec comme objectif la passivité à venir de la futur supra structure implantaire , ici la barre primaire sur laquelle est télescopée la barre secondaire ).
Tous le cas est publié chez SP, si tu veux le pdf ce sera avec plaisir 🙂 (Stratégies Prothétiques 2016 ; 16 (1) : 47-56.)
Nous pensons à l’empreinte au plâtre pour le #2, à suivre….
Merci pour ta réponse.
Je comprends l’intérêt de cette technique d’empreinte pour la nouvelle conception prothétique mais tu n’as malheureusement pas répondu à mon autre question :
si tu devais faire une PAC maxillaire sur 4 Locators : ferais-tu la même empreinte que celle décrite dans ton post?
Guillaume,
Je ne fais plus de complet maxillaire retenu par des attachements axiaux, je fais systématiquement des barres ou des télescopes :
Il y a une usure des piliers très souvent rendant le système inopérant ou moins efficace (motif de la consultation pour cette patiente).
Je pense que j’aurai fait la même empreinte, quoique polyethers seuls cela doit suffire
Je pense que ma réponse va ouvrir un débat…..
Cordialement
Jérémie
Jérémie
Merci pour ta réponse Jérémie, C’est très clair!
En effet, le débat que tu ouvres dépasse l’objet de ton post mais je me permets de te donner mon point de vue : pour édenté complet maxillaire, je préfère comme toi un système de barre/contre-barre… à condition de disposer de l’espace prothétique nécessaire. Mais je ne rejette pas d’emblée la solution avec 4 Locators… a condition que les sites et les axes implantaires soient corrects. L’usure prématurée de ces attachements est souvent en lien avec des axes implantaires trop divergents par rapport à l’axe d’insertion de la prothèse.
Bien à toi.
GGM.