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Poser le diagnostic de luxation discale irréductible #9

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  11. Poser le diagnostic de LDI #11

Cas clinique n°3

LDI chronique sans soulagement

Présentation du cas

Une patiente de 48 ans consulte pour de fortes douleurs des régions des ATM, accompagnées de céphalées (8/10 à l’EVA). La tableau clinique est installé depuis plusieurs années. Les soins dentaires et prothétiques ont selon elle aggravé la situation. Une imagerie IRM demandée par le médecin met en évidence une luxation discale irréductible à droite et un déplacement discal incomplet à gauche.

La douleur aboutit à forte limitation de la motilité mandibulaire. Cliniquement, on ne peut pas retrouver à la palpation la luxation réductible à gauche car aucun ressaut n’est perceptible et le mouvement condylien est très limité. La douleur est provoquée à la mastication et lors du serrage des dents ; situation très fréquente car la patiente est très stressée, l’inquiétude au sujet des céphalées renforçant les difficultés.
Le test de Krogh Poulsen, pratiqué avec précaution, met en évidence une sensibilité bilatérale d’ordre musculaire et articulaire.

Si l’imagerie de LDI est incontestable il y a lieu cependant de s’interroger sur la participation éventuelle de la musculature au « blocage » mandibulaire.
L’anamnèse ne mettant pas en évidence un accident articulaire (mastication ou bâillement) ni trauma permettant d’expliquer la luxation discale, il faut envisager un rôle des muscles insérés sur le disque dans l’apparition du désordre articulaire. Nous savons que des crispations musculaires anarchiques et quasi permanentes peuvent aboutir à déplacer le disque articulaire. En plus de la LDI existe-t-il un myospasme ? Ce myospasme est-il lié (causal ou consécutif) à la LDI ? Ces hypothèses nous conduisent aussi naturellement à nous interroger sur le rôle éventuel de l’occlusion dans l’apparition ou l’entretien des troubles : n’est ce pas l’OIM qui fixe la position mandibulaire pour une patiente qui vit dents serrées pratiquement nuit et jour ?

La LDI étant installée depuis des années et la patiente n’étant plus jeune, il est fort peu probable que la situation articulaire puisse se rétablir. Par ailleurs, le pronostic admis d’une amélioration progressive des LDI avec le temps ne semble pas être recevable dans le cas présent. Pour ces raisons nous privilégions l’approche musculaire pour rechercher une position mandibulaire moins douloureuse grâce à une orthèse lisse en ORC du jour.

L’examen occlusal en OIM montre que seuls un ou deux couples molaires établissent des contacts. Le grand surplomb, même en OIM, est tel qu’on peut imaginer que la musculature mandibulaire, pour obtenir une certaine stabilité, oscille en permanence entre un contact canin et un contact molaire controlatéral, situation on le sait particulièrement pathogène.
L’orthèse, en résine dure, placée sur les dents mandibulaires, a pour objectif premier de rétablir des contacts stabilisant sur le plus grand nombre de dents possible. L’idéal est de recréer un contact jusqu’aux canines. Dans le cas présent l’ampleur du surplomb, accentué par le recul en relation centrée du jour, nécessite de donner une certaine épaisseur à la gouttière pour y créer des butées canines. Pour certains cliniciens il est préférable dans ces situations de réaliser une orthèse maxillaire qui permet de combler plus facilement le surplomb. En fait des deux options sont possibles. Dans ce cas les contacts sont effectivement rétablis en ORC du jour sur toutes les dents cuspidées et avec les canines.
La patiente décrit durant la séance de réglage de l’orthèse une amélioration rapide. Revue une semaine plus tard, les douleurs ont disparu, de même que les difficultés articulaires. La motilité mandibulaire est quasi normale. Quelques meulages d’équilibration sont apportés à l’orthèse pour parfaire le calage occlusal qui assure donc simultanément le centrage mandibulaire. Peut on imaginer que le repositionnement mandibulaire et le relâchement musculaire consécutifs à la mise en place de l’orthèse aient pu aboutir à un replacement du disque dans sa position fonctionnelle ? Une IRM de contrôle eût été nécessaire.
La patiente à qui l’on avait conseillé un port nocturne de l’orthèse a en fait souhaité porter son orthèse en permanence car elle constate dès qu’elle la dépose le retour de crispations dans la position mandibulaire pathogène: elle redoute l’apparition des douleurs. Lorsque nous demandons à la patiente de quitter l’orthèse et de reprendre la position d’OIM, nous observons qu’elle éprouve effectivement les plus grandes difficultés à établir les contacts dento-dentaires antagonistes postérieurs et signale des contraintes au niveau des ATM.
Nous conseillons à la patiente de maintenir l’orthèse pendant plusieurs semaines avant de réévaluer la situation. Ce suivi a duré finalement plusieurs mois et la situation asymptomatique a été maintenue à sa grande satisfaction.
Les illustrations montrent les modèles en OIM, puis l’orthèse en place, et enfin, la situation spatiale des arcades correspondant à la situation orthèse en place. Il faut donc considérer qu’une restauration occlusale qui aurait la prétention de maintenir le soulagement obtenu et contrôlé sur plusieurs mois (le mari a toujours accompagné sa femme et confirmé ses dires) ne pourrait être envisagée que dans la position mandibulaire « validée » par l’orthèse.

L’orthodontie est-elle indiquée ? La prothèse peut-elle rendre service ? Comment enregistrer la position mandibulaire qui servira de base à la réflexion qui établira le plan de traitement ? Peut-on laisser l’orthèse en place pendant des années? Et surtout, comment expliquer l’apparition de cette situation orale ?
Nous risquons une hypothèse : La LDI n’est ici que la marque articulaire (objectivée par l’IRM) d’un désordre musculaire et postural ancien, adaptation sans doute inconfortable à des contraintes multiples, à commencer par la croissance et le stress.
La forme des arcades et leur courbe dans le plan sagittal, l’ingression relative des dents cuspidées, les relations antérieures très emboîtées de classe II, le contact des incisives contre la papille rétro-incisive palatine, tous ces éléments occlusaux se sont établis petit à petit. Le serrage sous l’action du stress et sans doute d’éléments posturaux généraux contribuent à réduire la DVO et à « bloquer » les positions articulaires. La position des disques devient alors une variable d’ajustement de la position mandibulaire. La LDI doit alors être envisagée dans ce contexte global. Ni une butée postérieure, ni le temps qui passe ne permettent ici de soulager.

  • Pensez-vous qu’une LDI qui ne s’améliore pas avec le temps doive être comprise comme la conséquence d’une adaptation de la position mandibulaire à des contraintes générales et occlusales ?
  • Pensez-vous qu’une prise ne charge occlusale large (ODF ou prothèse) puisse permettre de supprimer le recours à l’orthèse ?

Comments

bermant

Pardon François, mais pour une fois, je ne peux te suivre.
Les images IRM que tu nous proposes sont réalisées bouche fermée.
Perso j’y vois à droite un disque dont le bourrelet postérieur tutoie le bord antérieur du processus condylien, image typique d’une possible « luxation discale réductible » (dans ta terminologie), ce que les radiologues nomment un grade 2.
Rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit d’une « LDI » si tu ne nous présente pas une vue « bouche ouverte ».
A gauche, je suis d’accord, il s’agit bien d’une désunion condylo-discale partielle, ou grade 1.
Pour ceux que ça intéresse voir :
Giraudeau A, Orthlieb JD, Laplanche O, Mantout B, Cheynet F, Chossegros C, Sarrat P. Dérangements intracapsulaires de l’Articulation Temporo-Mandibulaire : proposition de classification. Cah Prothèse 2001 ; 114 : 51-61.
C’est pas tout neuf, mais c’est plutôt clair et bien documenté.
Amitiés. BM.

François UNGER

Merci Bermant de ta vigilance et de tes commentaires. En fait ces images sont celles que m’a apportées la patiente, sur prescription de sont médecin, et je n’ai fait que reprendre les mots du compte rendu du radiologue qui avait fait cet examen. Je n’ai aucune image image bouche ouverte par conséquent.
Ton observation met en évidence la suspicion qui existe quand on considère l’IRM comme le gold standard du diagnostic de LDI et que la mise en oeuvre des examens ou leur lecture ne respecte pas des procédures super qualibrées. Ceci fait aussi partie des raisons pour lesquelles je ne suis pas demandeur d’IRM en première intention si le diagnostic clinique est clair.
Par ailleurs, j’ai « ressorti » ce cas car il pose à mes yeux un problème de pertinence diagnostique: myospasme qui déplace les pièces articulaires ou déplacement des pièces articulaires qui est à l’origine d’un myospasme? Je parle de l’enchaînement clinique des faits sachant qu’il va bien falloir s’avancer dans une voie thérapeutique autre que « attendre et laisser faire ».
Le but de ce post est de montrer que même si on a une image (ou un compte rendu d’imagerie) qui laisse à penser qu’on a une LDI, il ne faut pas se précipiter sur manipulation de Farrar ou une butée postérieure.
Je souhaiterais que les praticiens palpent plus et mieux les régions des ATM et cherchent plus souvent à observer et comprendre comment l’OIM intervient sur ces zones.
Amitiés

yevninemichel

bonjour…
pour l’imagerie en bouche fermée : à droite le disque semble effectivement fortement déplacé, par contre l’aplatissement de la tête condylienne nous montre une belle arthrose adaptative….
en ce qui concerne les douleurs nous sommes comme souvent confrontés au même problème : qui de la poule ou de l’oeuf? .
Avec le temps je m’interresse souvent plus à la symptomatologie et à la thérapeutique plutôt qu’à l’étiologie lorsque cette dernière n’est pas évidente. A ce sujet nous sommes en présence d’une classe II1 très forte qui plus est avec perte dentaire et diminution de la DVO postérieure, chez une patiente stressée, « serreuse » : DELETERE.
Bon… bravo pour le soulagement mais au vu des modèles après port de l’orthèse il me semble que le traitement pour une jeune femme de 48 ans serait chirurgical orthognathiqueavec une « bimax »…. ?
amitiés

yevninemichel

pardon j’oubliais, les cl II1 sont souvent victime d’une double occlusion, celle du dimanche et celle du lundi, en propulsion pour retrouver les contacts incisifs, donc un magnifique déplacement condylien horizontal pur…. résultat le disque est carrément chasser en avant!!!

mdom

Je vois que l’orthèse (visible sur la photo du modèle mandibulaire orthèse en place) présente des indentations. Etait-elle lisse au départ (pour permettre à la mandibule de se placer dans une position où les muscles sont plus détendus), puis l’aviez-vous indentée pour favoriser la stabilité mandibulaire, une fois que l’ORC a été jugée identique et reproductible sur 2 séances ?

A votre deuxième question, je crois que, seules la chirurgie orthognatique (je crois que c’est le terme approprié) ou l’orthèse à vie, peuvent apporter une solution à cette patiente.
L’orthèse est la solution la plus prudente, non invasive, réversible, modifiable, … Mais socialement cela ne doit pas être le top.

François UNGER

L’orthèse bien sûr était lisse au départ. Après que la position mandibulaire de confort ait été confirmée la gouttière est restée de longs mois en place et, autant que je m’en souvienne, les indentations ont été produites par les serrages de la patientes sur l’orthèse.
Pour les options thérapeutiques je ne suis pas persuadé qu’il faille recourir à de la chirurgie orthognatique. Seule une analyse très sérieuse pourrait en faire poser l’indication.

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