Poser le diagnostic de luxation discale irréductible #4
LDI : diagnostic différentiel
C’est une question récurrente que se posent les cliniciens : le patient souffre-t-il d’une LDI ou d’un spasme d’un muscle de l’ATM qui aboutit à un blocage et une limitation comparables des mouvements articulaires ?
Dans les 2 cas on peut retrouver :
- Limitation importante de l’ouverture buccale pouvant être comprise entre 20 et 30mm
- Déflexion à l’ouverture
- Douleur de la région ATM
- Une absence de bruit articulaire du coté lésé
- Possibilité de position de sommeil ventrale, onychophagie, parafonctions (bruxisme, clenching), problèmes posturaux.
L’interrogation est donc légitime : LDI ou myospasme ?
Pour répondre à cette question il est utile de distinguer la LDI aigüe de la LDI chronique car pour chacune de ces situations l’évaluation peut faire appel, ou non, à des éléments différents.
Pour la LDI aigüe (c’est à dire d’apparition très récente), un certain nombre d’informations ou d’observations peuvent appuyer cette hypothèse diagnostique contre celle de myospasme :
- Il y a eu un déclenchement récent, précis, du problème : accident de mastication ou mouvement mandibulaire exagéré, ou un coup du lapin, ou un trauma…connu du patient.
- Il y a un historique de laxité articulaire (générale le plus souvent)
- Il y a un historique de claquements réciproques anciens qui ont cessé à partir de l’apparition de la limitation d’ouverture permanente
- Il est apparu des prématurités du coté de l’ATM lésée, tout de suite après que la limitation se soit installée (passe parfois inaperçu)
- Il y a une douleur forte si l’on essaie d’augmenter l’ouverture buccale au delà de la limitation spontanée
- La palpation ne perçoit aucun déplacement du condyle de l’articulation lésée lors de l’ouverture.
Pour la LDI chronique, qui peut dater de plusieurs mois ou plusieurs années :
- Malgré un historique d’anciens claquements réciproques dont se souvient le patient, il n’y a jamais plus eu de réapparition de ces bruits articulaires du coté lésé. Avec le temps (années) des bruits différents, du type crépitations, ont pu apparaître (très inconstant).
- Le patient décrit une augmentation progressive de l’amplitude de l’ouverture buccale depuis l’accident initial ; l’ouverture peut atteindre 40 mm
- Le patient décrit le plus souvent une atténuation des douleurs. Mais pas toujours.
- La palpation, du coté lésé, peut parfois mettre en évidence un très discret mouvement condylien
- Si la douleur spontanée n’est pas trop forte, et en prévenant le patient de ne pas faire l’exercice brutalement, le test de Krogh Poulsen montre que la douleur, du coté lésé, est d’ordre articulaire (obstacle occlusal placé du coté contro-latéral)
Il existe par ailleurs des tests cliniques pour aider au diagnostic différentiel. Ceux ci peuvent être utilisés pour les LDI aigües comme pour les LDI chroniques. Ces tests permettent d’éliminer une option plutôt que d’affirmer absolument le diagnostic.
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- Test Farah : si l’ouverture est limitée et déviée, alors que les mouvements latéraux ne sont pas réduits, alors le problème n’est pas articulaire ; donc pas une LDI

- L’examen de la propulsion : si la propulsion peut se faire sans déviation alors le problème n’est pas articulaire ; donc pas une LDI
Il faut encore signaler que des signes de LDI intermittents ne constituent pas une situation clinique connue. Si la situation est variable, en fonction d’éléments de vie le plus souvent, alors on est plutôt dans le cas de problèmes musculaires.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des difficultés diagnostiques : on peut trouver un patient en LDI souffrant également de crispations musculaires. La question se pose alors de savoir si la LDI est à l’origine des crispations (spasmes de protection) ou si une situation musculaire habituellement spasmée a contribué à créer la LDI. L’historique est le moyen de faire la part des choses.
- Rencontrez-vous des difficultés pour faire le diagnostic différentiel entre LDI et myospasme ?
- Quels moyens utilisez-vous des moyens complémentaires pour faire le diagnostic différentiel ?
- Avez-vous déjà rencontré des IRM matérialisant des faux positifs ou des faux négatifs de diagnostic cliniques de LDI ?
Comments
Bonjour,
Tout d’abord félicitations pour votre blog passionnant qui doit vous demander énormément de travail et de rédaction.
Pouvez-vous m’expliquer plus précisément le résultat des observations visibles lors du test de Farah ?
En effet si nous prenons l’exemple du muscle ptérygoïdien latéral dont la fonction principale est la diduction controlatérale ou la protraction bilatérale, donc une action dans le plan horizontale. Si nous trouvons une problématique musculaire incluant le plan horizontal comment pouvons-nous déduire les observations citées plus haut dans l’article ?
Ne devrions-nous pas plutôt dire :
si l’ouverture est limitée et déviée, alors que les mouvements latéraux ne sont pas réduits, alors le problème n’est pas MUSCULAIRE ;
L’examen de la propulsion : si la propulsion peut se faire sans déviation alors le problème n’est pas MUSCULAIRE
merci
Manuel
Merci de votre intérêt pour ce blog et pour « l’occlusion » en général.
Le test de Farah dit quelle conclusion on ne peut pas tirer. Il dit: ce n’est pas une LDI.
Il ne dit pas c’est articulaire, ou c’est musculaire.
Comment expliquer cet avis? Le mouvement d’ouverture limité et dévié peut être dû, soit à une LDI soit à un myospasme (ou aux deux situations conjointes). Mais si, en même temps, il est possible de déplacer latéralement normalement la mandibule, c’est qu’il n’y a pas d’obstacle intra-articulaire qui empêchent ces mouvements. Un spasme d’un ptérygoïdien latéral va certes limiter l’ouverture et la dévier, mais n’empêche pas toujours, dans le plans horizontal les mouvements latéraux. Ce muscle contribue beaucoup aux mouvements latéraux; de même que pour la protraction.
On peut certes imaginer que le ptérygoïiden latéral soit aussi en cause.
Mais le test dit: dans ce cas de problème musculaire, il n’y a pas de LDI (sans écarter l’option de LDR associée à un myospasme).
Dire qu’il n’y a pas de LDI ne veut pas dire qu’alors on est avec un problème musculaire pur.
Et, pour affirmer qu’un problème n’est pas musculaire, il me semble que bien d’autres facteurs que mécaniques doivent être pris en compte.
François Unger