Palper l’occlusion #4 : premières observations
Quand le patient est détendu, qu’il laisse manipuler sa mandibule sans aucun effort (A. Jeanmonod parlait de « susciter l’élévation de la mandibule »), on peut, petit à petit, délicatement enlever les doigts placés comme obstacles occlusaux canins.

Précisons tout de suite qu’il n’est pas toujours possible d’obtenir la détente mandibulaire que l’on recherche. C’est même très fréquent, surtout quand on commence à faire cette manoeuvre. Il ne faut surtout pas s’énerver (parce que le stress est perçu par la patient et qu’il pourra encore moins se détendre). Le praticien doit penser que la difficulté peut venir soit d’une tension particulièrement vive des muscles masticateurs du patient, soit d’un défaut de détente de sa propre part. Et il doit privilégier cette dernière hypothèse parce qu’il peut y intervenir. Le praticien, sans rien en laisser paraître, doit se concentrer sur sa propre détente, l’organiser (détendre les épaules, les bras, le cou) pour reprendre la manipulation. Le praticien doit avoir conscience de sa propre détente ; tout au long de la manipulation, sans se laisser toucher par le moindre ressenti d’affect. Toute l’attention doit être concentrée sur la perception de la détente mandibulaire du patient. Sans jugement, sans reproche ou jugement de valeur. Le patient doit percevoir qu’il n’est pas jugé, ni évalué. C’est sa mandibule qui nous intéresse ; pas lui en tant qu’être humain.
Autant dire que la manipulation de la mandibule s’apprend, et devient de plus en plus facile au fur et à mesure qu’on en maîtrise la technique. Car c’est bien une technique et rien de plus.
Si le praticien reprend la manipulation, l’améliore encore et encore et qu’il n’est toujours pas possible de détendre le patient (assez rare cependant), il faut interpréter cette difficulté comme la marque des crispations très fortes des muscles masticateurs. On en conclue alors qu’il n’est pas possible d’avoir accès aux informations cuspidiennes par ce moyen. Notre palpation ne donne rien. Pas grave puisqu’on peut aussi travailler avec une orthèse.
Mais venons en au cas favorable : le patient est détendu, vous pouvez jouer avec la mandibule dans l’espace libre (sans qu’aucun contact occlusal ne s’établisse), alors, oui, petit à petit vous écartez les doigts qui servaient de butées canines. Mais non sans avoir prévenu le patient : « Vous sentez que je peux faire bouger votre mâchoire mais que vos dents ne se touchent pas. Petit à petit je vais les amener en contact ; surtout n’essayez pas de m’aider, restez détendu, et vous lèverez la main du coté où vous sentirez les premiers contacts des dents entre elles ».
Et c’est ce que vous faites. Doucement. Tout doucement ; pour essayer de sentir par votre main placée sous la symphyse osseuse, de quel coté se fait le contact, et pour essayer de sentir s’il est postérieur ou antérieur. Au début c’est difficile de sentir précisément ces contacts. Mais on peut aider sa palpation de la vue : le patient indique le coté et on voit bien latéralement si les contacts sont devant ou dans le fond. Pour améliorer sa sensibilité de palpation on peut commencer par essayer de trouver, yeux fermés, la place des premiers contacts occlusaux. On pose doucement la mandibule sur ce premier contact, on l’y maintient (bien entendu le patient ne serre jamais, n’active jamais sa musculature mandibulaire), et on ouvre les yeux pour voir si notre observation manuelle correspond à la réalité visuelle. C’est un apprentissage ; mais toute palpation n’est-elle pas un apprentissage ?
Quand vous annoncez à un patient, dont vous manipulez délicatement la mandibule sur un arc de quelques millimètres, sans que ses dents soient apparentes, que c’est la dernière dent du fond à droite qui touche toute seule, il comprend que vous disposez de moyens fiables de l’examiner. C’est très bon pour la confiance. La manipulation devient de plus en plus facile. En quelques secondes l’ORC approchée de ce patient n’aura plus aucun secret pour vous. La photographier, l’enregistrer, jouer avec sera un jeu d’enfant.
Mais les palpations mandibulaires peuvent vous apprendre encore bien d’autres choses.
- Essayez-vous de percevoir, yeux fermés, les contacts occlusaux de l’ORC approchée des patients ?
- Avez-vous l’impression que cette manipulation soit compliquée ?
Comments
Super !!
Oui l’apprentissage de cette technique s’apprend petit à petit, je l’utilise désormais en pratique quotidienne sur tout nouveau patient et c’est le seul moyen de l’intégrer !
Je commence à mieux percevoir le côté et la situation antero-postérieure des dents en contacts prématurés vers le chemin d’une mandibule en cours de détente.
Attention cependant aux patients « faussement » détendus qui te guident sans en avoir l’air. En effet alors, il faut surtout bien se concentrer sur sa propre détente.
Super article ; incroyable que pas un enseignant de ma faculté ne montre cette technique de manipulation mandibulaire…
Merci.
Parce que dans un centre de soins dentaire, en règle générale, l’OIM est la position de référence qu’on enseigne et qui sert de base pour toutes les restaurations partielles. Comme pour toute la dentisterie française?
Bonjour François Unger
Je ne vois pas comment il est possible de localiser ainsi l’occlusion dans une sensation manuelle sous symphisaire
Je sens plutôt l’occlusion en amenant le patient à « taper des dents » dans une sensation manuelle au contact de la face vestibulaire en surocclusion quand je pose une céramique
Ce ne serait pas plus simple avec un papier bleu?
Je vais essayer cette approche fine de l’occlusion. Patient en position allongé. Je ne sais travailler autrement avec détente du corps du patient par la respiration mais aussi détente de la nuque et des muscles masticateurs
Bien à vous
Si, si ça s’apprend et petit à petit on trouve assez souvent. Pas toujours je le reconnais car il y a parfois des contacts bilatéraux très proches. Il faut s’entraîner.
En position allongée la mandibule, sous l’effet de la pesanteur sur l’ensemble des tissus n’est plus dans la même position qu’en position assise orthostatique. Cela a été montré par des mesures. (de l’ordre du millimètre d’écart).
Le problème du papier: il faut le tenir, donc jouer sur les tissus périphériques (joues, lèvres et in fine sur la position mandibulaire), et par ailleurs il créé une information occlusale autre que le contact dentaire. Avant le contact dentaire. Avec toutes les adaptations que cela peut entraîner. Et en plus si c’est le praticien qui tient le papier il ne peut plus être vraiment détendu.
Quand le patient tape des dents il est sur le chemin de l’OIM pas de l’ORC approchée
C’est sans doute l’OIM que j’enregistre….
Je pensais enregistrer l’ORC patient allongé, tête inclinée en arrière,
Quant au papier bleu je le laisse libre autant que possible. C’est pour moi l’assurance d’enregistrer des informations colorées fiables.
Je me sens mal devant un patient redressé; calme et détendu devant un patient allongé. C’est l’angle de vue auquel je suis habitué.
Mais c’est promis je vais essayer
Bien à vous et bon Noël
Que voulez vous dire par « fiables » en parlant d’informations?
Que recherchez vous exactement avec le papier encré?
Fiable quand la correction apportée apporte l’adhésion et le bien-être au patient.
Je recherche l’élimination d’une interférence occlusale, une pression excessive en un point, une meilleur répartition de l’occlusion sources d’inconfort du patient.
Ai je bien compris le sens du sujet?
Oui et si moi je comprends bien, c’est effectivement l’OIM que vous équilibrez. Dites moi si je comprends bien à mon tour: vous utilisez les marques de papier encré laissées sur les dents quand le patient serre les dents. Une grosse marque signale un contact fort et une absence de marque signale une absence de contact. C’est bien ça?
Je laisse le patient « claquer des dents » librement tête en hyper extension arrière en lâchant le papier bleu qui se stabilise de lui-même entre joue et langue. Le papier bleu peut être fin ou épais avec coloration progressive(Bausch soie à articulé et 200µ) et le patient toujours alongé.
C’est l’OIM si vous me le dites
C’est en tout cas une occlusion physiologique de « convenance » que je pense rechercher pour le patient.
Je n’ai pas de grosse marque mais des marques progressives qui deviennent égales entre elles à la fin.
C’est surprenant le temps que je passe et finis par une occlusion qui me paraît « fine » et qui me plaît quand le résultat est ressenti par le patient.
Il s’agit donc bien d’une équilibration en bouche dans une position proche de l’OIM (la position allongée peut modifier la façon dont la mandibule claque les dents les unes contre les autres. Je ne connais pas les indications d’une telle équilibration mais qui visiblement conduit à un ressenti favorable du patient.
Mon post visait à donner une première technique de palpation des contacts occlusaux. Des contacts en ORC approchée, donc pour une position mandibulaire différente de celle présentée par naval.
Pour ma part je ne palpe pas les contacts en OIM puisqu’ils sont directement accessibles à l’observation directe, en bouche ou sur des moulages.
La palpation des contacts en ORC approchée permet d’identifier la position mandibulaire qui leur correspond. A partir de cette position, si l’on demande au patient de serrer les dents, il revient en OIM. Ceci conduit à un glissement mandibulaire et l’on peut observer dans quel sens il se fait, ainsi que les dents qui, principalement, guident ce glissement. Toutes choses qu’on doit retrouver sur les moulages en articulateur lors de la simulation de l’équilibration.
Merci naval de ces interventions.
Merci Docteur François UNGER pour vos riches informations et votre compréhension. Une invitation à se lancer à l’ORC lors du prochain patient et d’observer un glissement mandibulaire…. vers l’OMC!
Très étrange de voir des patients qui se satisfont de 2 ou 3 contacts au niveau molaire sans en être eux mêmes conscients, voir surpris de l’apprendre.
Il m’est même arrivé de voir chez un homme une très forte mobilité au niveau des 1ères molaires inférieures droite et gauche qui supportaient l’ensemble de la pression occlusale.
Le simple meulage de ces contacts en vue d’établir une répartition de l’occlusion a eu pour effet de faire disparaître une mobilité « proche » de l’avulsion, tellement celle-ci paraissait importante et que le patient était convaincu de perdre ses molaires alors qu’elles n’en pouvaient plus.
A l’inverse il faut être fin détective pour trouver, face à une symptomatologie persistance, le contact qui ne va pas, au point que l’on finit par douter en présence d’une agréable patiente du sens réel de sa visite! Certaines cachent bien leur jeu! Du Molière assurément! Surtout en ces fêtes!
Cordialement!
Jean-Jacques Chasseraud de Paris ( je me dévoile!)
Cher confrère, merci de vos efforts pour vos patients. Oui ils sont très reconnaissants quand on les soulage. Quand c’est possible. Et il faut dire que c’est souvent possible quand on prend le temps d’observer ce qui se passe entre ORC approchée et OIM.
Les prochaines palpation que je vous proposerai vont dans ce sens.
Cordialement
A l’approche de l’OIM, la main du thérapeute conduit la mdb vers un contact dit « prématuré ». Je construits alors des composites entre les canines, de sorte que le patient va aboutir naturellement et en même temps sur trois appuis : le présumé « prématuré » + les deux couples canins. Le claquement en OIM (nouvelle) est surprenant pour tout le monde: intensité, netteté, réduction des algies, etc. Je laisse le patient tester cette position quelques jours avant d’envisager la suite du traitement. L’espace libre est une plage de tolérances souvent réconfortante.
Tout ce qui contribue à identifier et maintenir une position mandibulaire thérapeutique est bon à prendre. Votre technique s’inscrit dans ce cadre et doit donc être signalée. Je vous en remercie.
Par rapport à ma propre démarche j’indique deux différences:
– je ne « conduit » pas la mandibule; c’est elle qui se conduit
– j’évite que des zones d’inocclusion soient créées par mes équilibrations (comme votre situation de calages canins et d’appui sur la prématurité) car je redoute toujours l’action de la langue qui vient établir ces calages dans les inocclusions. C’est très simple de compenser toutes les inocclusions et de créer un calage de toutes les cuspides supports sur une orthèse qui recouvre toute l’arcade.
Merci de votre intervention