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Palper l’occlusion #3 : palper dans le calme et en confiance

  1. Palper l’occlusion #1
  2. Palper l’occlusion #2
  3. Palper l’occlusion #3 : palper dans le calme et en confiance
  4. Palper l’occlusion #4 : premières observations
  5. Palper l’occlusion #5 : sentir comment l’occlusion perturbe le jeu musculaire
  6. Palper l’occlusion #6 : Sentir comment l’occlusion perturbe le jeu articulaire
  7. Palper l’occlusion #7 : des dents aux muscles, même sans l’ORC
  8. Palper l’occlusion #8 : le frémitus

Avant de décrire les palpations de l’occlusion il est fondamental de préciser qu’il est très difficile (en réalité impossible) de palper l’occlusion si ce n’est pas fait dans une ambiance de calme et de confiance.
Il ne faut pas penser là que l’occluso dériverait vers des pratiques ésotériques, psycho-truc, voire sectaires. Non, il faut simplement observer qu’une relation praticien-patient de parfaite confiance est indispensable si on cherche à obtenir le maximum d’informations de la part patient; ce qui est le cas pour des palpations impliquant sa musculature.
Disons plus simplement : l’ambiance de la consultation doit être calme et le praticien doit pouvoir palper paisiblement la face de son patient. Ce qui n’est pas acquis d’emblée dans un cabinet dentaire où il y a des circulations permanentes, et sur un visage qui cristallise à la fois les douleurs à l’origine de la consultation, et qui, également, est le lieu privilégié des émotions.

Etablir le calme

Le calme concerne 3 paramètres :

  • Le cabinet. Il faut veiller à ce que les circulations du personnel soient interrompues pendant les palpations. Le mieux est même de ne pas avoir de personnel dans le cabinet à ce moment. Il est bien sûr hors de question qu’un écran soit visible par le patient. De même il n’est pas envisageable que des enfants du patient, ou des membres de sa famille interviennent pendant la consultation. Le calme sonore doit aussi être recherché : la porte est fermée, les bruits de la rue ou du voisinage sont rendus inexistants.
  • Le patient doit être apaisé. Ceci n’est possible que s’il n’est pas sollicité par des personnes autour de lui. Il faut aussi le placer confortablement. D’abord pour discuter avec lui sans qu’il soit installé sur un fauteuil de soin. Il ne faut pas toucher le patient pendant toute la phase d’installation du calme, pendant l’entretien clinique. Le praticien doit être ostensiblement à l’écoute du patient. Le patient doit percevoir le calme du praticien.
  • Le praticien doit être calme lui aussi ; et lui surtout. Si le praticien est stressé (problèmes périphériques du cabinet, soucis relationnels avec ce patient en particulier, soucis personnels…) il doit faire l’effort de faire le vide. Un praticien tendu ne peut pas obtenir la détente complète du patient. Si le manipulateur est tendu alors le manipulé le perçoit et ne peut pas être vraiment calme. Il ne s’agit pas pour le praticien d’une attitude de calme superficiel, mais d’un état voulu, structuré, travaillé, et perceptible par le patient.

Etablir une confiance mutuelle :

  • Vis à vis du patient il est indispensable que l’écoute soit valorisée par la croyance. Le praticien doit interroger le patient sur tous les détails qui peuvent permettre de comprendre la situation, mais il doit absolument croire le patient. Le patient doit savoir de façon explicite et implicite que le praticien ne va pas l’agresser : explicitement en disant les choses au patient, à l’avance, pour qu’il n’y ait aucune surprise ; implicitement en ne touchant pas le patient à l’improviste, mais en graduant les contacts : du plus loin vers le plus précis ; de la peau vers l’occlusion.
  • Concrètement voici quelques étapes classiques de mise en confiance implicite :
    • Quand le patient s’assied dans le fauteuil de soin (relevé pour que le dos et la tête soient dans une relation correspondant à peut près à la position orthostatique), il faut toucher le bras ou l’épaule du patient, simplement, sans ostentation, comme une prise de contact physique, sans autorité, mais signalant au contraire une certaine empathie.
    • Après avoir prévenu le patient qu’on allait toucher son visage, on pose les paumes des mains, simultanément, sur ses deux joues; paisiblement, comme pour prendre vraiment contact avec lui. Les mains ne palpent rien ne recherchent rien. Elles sont simplement à plat, caressant si besoin doucement les joues, et on laisse la relation s’établir. Quand le contact est établi, qu’on perçoit à la fois que le patient est détendu et que l’on est soit même détendu, il est possible de laisser les mains palper doucement les masséters. Ce qui permet de vérifier la détente du patient.
    • C’est seulement après ces étapes qu’on peut s’autoriser à toucher la mandibule proprement dite. Et encore, en prévenant la patient qu’on va simplement la soupeser, pour « voir combien elle pèse ». Et en lui demandant de rester au repos, sans contacts dento-dentaires. Ce premier contact sur la mandibule ne doit en aucun cas se faire sur le menton. Tout le système proprioceptif est en alerte (puisque le patient consulte pour un DAM) et ce serait un message contre productif que de placer un pouce sur la symphyse. En effet ce contact serait interprété par le système proprioceptif mandibulaire comme un risque de rétro-pulsion et donc de contrainte articulaire. Immédiatement les ptérygoïdiens latéraux seraient tendus. Le contact mandibulaire doit se faire sous la symphyse osseuse de telle sorte que la mandibule ne perçoive à aucun moment autre chose qu’une élévation délicate.
      Bien entendu ce contact mandibulaire ne peut être envisagé que si le patient parvient à rester en position de repos, sans contacts dento-dentaires. A aucun moment la manipulation mandibulaire ne peut être détendue et féconde si les dents établissent des contacts. Au besoin (et c’est la plupart des cas) il faut aider (au début) le patient à ne jamais établir de contact occlusal. Ceci est obtenu en plaçant deux doigts entre les canines pour établir une sorte de butées souples et réglables. (Fig 1)

      La mandibule est soupesée délicatement par une main qui vérifie sa libre élévation, tandis que deux doigts de la main opposée interdisent que des contacts occlusaux puissent s’établir
      La mandibule est soupesée délicatement par une main qui vérifie sa libre élévation, tandis que deux doigts de la main opposée interdisent que des contacts occlusaux puissent s’établir

Les contacts dento-dentaires sont l’objectif de la palpation et ne seront être établis que si toutes les étapes préalables ont été respectées, en dernier ressort. La découverte de ces contacts occlusaux est le résultat de la palpation mandibulaire, dans le calme et avec la confiance totale du patient. Alors seulement on percevra les caractéristiques de ces contacts occlusaux.

  1. Passez-vous assez de temps à détendre votre patient et à vous mettre en condition avant de manipuler vos patients ?
  2. Quels autres éléments peuvent-ils contribuer à établir la calme et la confiance ?

Comments

axiom

Ok pour que l’ambiance générale soit la plus détendue possible… Cependant , étant donné que les tracés axiographiques en position debout , assise et couchée ne sont pas superposables chez 85 % des patients ( cf étude de B.BRICOT) C’est à dire tous ceux qui ont un Pb postural même sur un seul capteur sans qu’il soit forcément mandibulaire d’ailleurs, Comment placez vous le patient pour faire cet examen et cette manipulation ? Et comment justifier une telle position du patient ? merci

François UNGER

Merci pour cette question importante que je comprends de la manière suivante (si je me trompe, signalez le sans hésiter):
Pourquoi la position que j’utilise pourrait-elle se prévaloir d’une valeur de référence puisqu’on sait que la position mandibulaire change avec la posture?
Votre remarque est incontestable: oui la posture mandibulaire change avec la posture du corps et, soit dit en passant, pourrait il en être autrement? Existerait-il un point du corps qui ne soit pas affecté par un changement de posture du corps? A moins de bloquer par des mécanismes physiques externes telle ou telle partie du corps, il faut bien admettre que tout bouge tout le temps: c’est la vie. Et que tous les mouvements sont corrélés: c’est un organisme identifié.
Quand on utilise un axiographe, ce qu’on cherche précisément, c’est par des fixateurs externes, à établir un système de coordonnées pour évaluer le mouvement d’une pièce du corps par rapport à une autre. Et que voit- on? Eh bien oui, que tout bouge, et que selon les positions du corps les mouvements relatifs des pièces observées sont variables. C’est bon signe: la patient vit toujours.
Quels enseignements tirer de cette observation?
Pour moi j’en retiens un: il est illusoire de vouloir définir une position de référence corporelle qui permettrait de définir une position mandibulaire de référence opposable pour toutes les interventions mandibulaires.
On peut certes (et heureusement) identifier une position mandibulaire de référence par rapport massif facial (s’il y a des dents en nombre suffisant) et cela s’appelle l’OIM. Mais vouloir identifier une position de référence mandibulaire respectueuse de toutes les implications posturales du corps entier, c’est un leurre. C’est impossible car tout varie en permanence, qu’on soit, debout, assis ou couché, et bien entendu dès qu’on bouge.
Ce point est fondamental, car, si l’on admet cette impossibilité d’établir une position mandibulaire de référence indépendante des dents, identifiable et reproductible, on annule le concept d’ORC (et c’est pour cette raison que je préfère parler d’ORC approchée- on pourrait dire mieux en parlant d’ORC instantanée-), et avec lui toutes les prétendues études scientifiques qui prétendent montrer en quoi l’occlusion est, ou n’est pas, « cause » de désordres de l’appareil manducateur.

Alors pour vous répondre je vais vous dire ce que je cherche en manipulant la mandibule. Vous avez donc bien compris que je ne cherche pas une position de référence.
Je cherche à savoir s’il existe une position mandibulaire pour laquelle on éviterait les contraintes articulaires et les crispations musculaires. Une position confortable (que le patient devra valider bien entendu), repérable par cette manipulation douce, dans le calme et dans un climat de confiance.
Et pourquoi rechercher cette position mandibulaire? Pour palper les contacts occlusaux (je vous dirai dans de prochains posts les infos qu’on peut ainsi recueillir), c’est à dire observer si ces contacts sont en mesure ou non de perturber cette position de confort musculo-articulaire de la mandibule.

Et si j’observe que l’établissement de l’IOM perturbe le confort musculo-articulaire de la mandibule, alors j’en conclus que, pour cette position du corps, je devrais faire quelque chose pour voir si je ne peux pas soulager ce patient qui est venu me voir précisément pour son inconfort musculo-articulaire mandibulaire.
Et comme je suis chirurgien dentiste, ça tombe bien, je peux faire quelque chose de simple: tester mon hypothèse par une orthèse.

Merci de vos observations, remarques et critiques.

axiom

merci pour ces bons commentaires. Pour ma part, je constate davantage de perturbations sur mes tests posturaux sur des positions de RC clinique apparente par rapport à l’OIM.

plt35

Bonjour Francois ,
Jose Abjean préconisait l’utilisation d’une butée antérieure afin d’effacer la mémoire corticale de la position mandibulaire. J’utilise toujours cette méthode pour l’enregistrement des rapports inter maxillaires pour la confection de mes orthèses mandibulaires.Les retouches à une ou deux semaines sont rares voire inexistant et les effets thérapeutiques souvent bluffants. Comme les orthèses sont de port nocturne , je laisse le patient allongé en prenant garde à la position céphalique que je garde dans l’axe du rachis. Quant à la palpation, je recherche les zones douloureuses des élévateurs, des cervicales, des trapèzes et du scm. Pour ce qui est du calme, c’est évident , cependant , je crois que lorsque nous recevons ces patients en souffrance et en errance médicale pour lesquels la seul réponse est : tous les examens sont normaux, vous n’avez rien sinon une petite dépression , le seul fait de les écouter et de dire qu’il y a peut-être une solution les apaise.
Je résume, mais si je continue je vais être en retard au boulot d’où stress, pas le tps d’écouter les patients etc…

François UNGER

Merci pour toutes ces informations et rappels qui ne peuvent que contribuer à une meilleure prise en charge de ces patients, qu’ils soient ou non demandeurs de soins. La butée antérieure (ou jig) a des vertus que bien des auteurs ont mises en évidence; et c’est tellement rapide à utiliser.
Oui, pas de stress pour écouter les patients. Faire comme si le temps ne comptait pas. Au début.

Thierry COLLIER

« Dans le calme et en confiance » : François Unger a infiniment, et évidemment, raison. Mais, n’est-ce pas toute notre activité de soins qui devrait, idéalement, se dérouler dans ces conditions, au bénéfice du patient, et, in fine, des « soignants » – pour céder au verbiage actuel -?

François UNGER

Oui Thierry c’st toute l’activité de soins qui nécessite calme et confiance. Tu as raison. Merci de tout ce que tu fais pour cela; en donnant de très nombreuses et pertinentes informations pour que l’anesthésie contribue à ce cadre général. L’anesthésie est capitale sur le sujet.
Amitiés

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