Orthèses de relaxation #1 : Fabrication d’un plan de morsure
Depuis quelques mois jeromeproust intervient régulièrement sur ce blog et y apporte des contributions très argumentées du point de vue clinique. Qu’il en soit remercié. Ses interventions montrent clairement son tropisme en faveur de l’utilisation du plan de morsure de Jeanmonod pour résoudre les difficultés musculaires des patients. Ses remarques et conseils m’ont suggéré de proposer quelques posts pour inciter les uns et les autres à faire part des avantages et inconvénients qu’ils trouvent, en tant qu’utilisateurs, aux plans de morsure et gouttières. Je ne propose pas une réflexion sur les modalités supposées d’intervention de ces dispositifs sur la physiologie manducatrice, mais uniquement sur les facilités ou difficultés rencontrées pour la fabrication, le réglage en bouche, l’utilisation clinique et les modifications, et la dépose de ces dispositifs. Compte tenu de l’enjeu comparatif de ces posts nous n’envisagerons que les orthèses à visée de relaxation musculaire, sans objectif de repositionnement (que nous pourrons évoquer dans une autre série de posts si cette première série intéresse les internautes).
Bien entendu, à la fin de cette série nous consacrerons un post à la gouttière évolutive de Rozencweig qui permet de disposer d’un appareil qui synthétise les aspects les plus marquants des plans de morsure et des gouttières de relaxation.
Le plan de morsure n’est pas fabriqué sur articulateur ; car il postule que la position mandibulaire dans laquelle il sera réglé ne peut pas être définie (ni enregistrée) d’avance.
- La conception du plan de morsure, plaque amovible appuyée sur la fibro-muqueuse palatine, nécessite que des crochets soient adjoints pour assurer une bonne rétention mais aussi une véritable stabilité de l’ensemble. Jeanmonod a codifié la forme et l’emplacement de ces crochets cavaliers : ils doivent être placés sur les premières prémolaires et sur les secondes molaires, les parties actives des crochets étant orientées mésialement sur les prémolaires et distalement sur les molaires ; pour une sustentation maximale. Ces contraintes qui se justifient pleinement pour que le plan de morsure soit parfaitement stable en bouche, sont malheureusement parfois impossible à tenir : dents supports manquantes, malpositions, etc …Il est à noter cependant que pour certaines situations « hors normes » il est cependant possible de fabriquer des plans de morsure malgré tout acceptables et actifs.
- Le bras cavalier du crochet doit être le mieux encastré possible sur les crêtes marginales des dents supports pour éviter tout contact avec les dents antagonistes lors des mouvements mandibulaires.
- La fabrication du plan rétro-incisif proprement dit, qui utilise tout l’espace compris entre les faces mésiales des premières prémolaires, est particulièrement délicate si on cherche à en limiter les réglages en bouche. Le travail du laboratoire doit donc anticiper et réaliser au mieux, sur des moulages tenus à la main :
- La situation du plan horizontal (le plan de morsure est réglé par rapport à ce plan),
- La hauteur du plan : suffisante pour obtenir l’augmentation de DV souhaitée, mais pas trop importante pour ne pas entraîner une augmentation de DVO qui serait insupportable. Une bonne compréhension de l’OIM sur les moulages est importante pour obtenir cette hauteur optimale qui évite bien des réglages en bouche.
- La largeur du plan en fonction de l’ampleur du recul mandibulaire qui interviendra dans la plupart des cas.
Ce plan rétro-incisif qui sera réglé très finement en bouche ne doit pas inclure une queue de crochet, même si les conditions d’édentement ne permettent pas de réaliser le crochet idéal sur la première prémolaire idéale.
Les deux impératifs capitaux à respecter lors de la fabrication d’un plan de morusre rétro-incisif sont les suivants : stabilité de la plaque et design de la partie rétro-incisive permettant de faire les indispensables réglages en bouche avec le minimum de retouches.



- Avez-vous des informations complémentaires à apporter quant à la fabrication des plans de morsure ?
- Les plans de morsure que vous utilisez sont-ils fabriqués par un laboratoire spécialisé ?
Comments
Bonjour,
Merci pour cette description détaillée de la fabrication d’un plan de morsure.
Je n’ai jamais utilisé ce type d’orthèse.
Comment règle t-on un plan de morsure lors des mouvements de propulsion et de latéralités ?
ceci sera précisé et illustré dans les prochains posts de cette série.
ceci sera précisé et illustré dans les prochains posts de cette série.
Merci François de proposer ce sujet qui permettra de mieux faire comprendre aux confrères ce qu’est un plan de morsure. Ton descriptif de la conception du plan est très complet mais j’y apporterais quelques enrichissements. Rappelons que le plan de morsure dans l’esprit de JEANMONOD était d’aider le praticien à conduire une réhabilitation fonctionnelle de l’occlusion et non à obtenir qu’un soulagement d’ordre symptomatique sinon il convient de parler de butée antérieure ou de ce que vous voulez d’autre mais pas de plan de morsure. Cela peut paraître superflu mais c’est essentiel si on veut comprendre la logique de son utilisation.
Idéalement on cherchera à réaliser les crochets comme François le décrit mais parfois il faut composer avec une situation nécessitant la pose des crochets différemment. Quand il y un passage naturel plus favorable par exemple pour éviter l’interférence avec une dent mandibulaire. Je suis parfois obliger de couper à la pince un ou plusieurs crochets. Si le plan est bien adapté un ou deux crochets peuvent suffirent. Cette situation n’aurait pas lieu d’être si la surélévation était de plusieurs millimètres mais en dehors des situations de sous-occlusion le plan se règle en insérant une feuille de papier épais à articuler (200micron) pliée en deux entre les molaires bilatéralement en demandant au patient de serrer. Le bon réglage est obtenu quand la désinsertion des papiers est difficile mais possible sans se déchirer. On comprend mieux pourquoi les cochets doivent être bien adaptés et réalisés avec un fil plus fin que celui utilisé pour la prothèse amovible classique.
Pour le réglage du plan rétro-incisif je demande toujours de me retourner les modèles pour faire le tracé du plan et des passages de crochets. Pour déterminer la hauteur du plan je place les modèles en occlusion et avec une mine de crayon je trace la limite de hauteur des incisives mandibulaires sur la face palatine des incisives maxillaire. Il suffit de retourner les modèles et faire le tracé par l’arrière en vision direct, ensuite je trace une ligne située à environ 2 mm au-dessus de la ligne du bord libre des incisives mandibulaires qui à été tracée lors de l’étape précédente. Dans le cas où l’on cherche à augmenter la DVO alors on augmente l’écart entre les deux lignes. Cette manière de faire permet de gagner beaucoup de temps lors de la pose en évitant de réduire le plan de plusieurs mm (fastidieux et chronophage) car les labos font le plan toujours trop haut faute d’indication. En procédant ainsi il est rare que la pose prenne plus de 15 minutes.
Le laboratoire doit être formé par le praticien et il faut que le prothésiste comprenne ce qu’on attend du plan pour avoir sa coopération. Un plan lisse ne suffit pas, il doit être plan et aligné sur le plan d’occlusion, une plaque de verre est indispensable pour vérifier sa planéité parfaite.
Dans mon cas j’avais la chance d’avoir mon prothésiste à demeure et il avait vu des tas de patients dès la consultation et avec le plan en bouche, de telle sorte qu’il savait comment élaborer la partie rétro-incisive pour m’éviter les fastidieux réglages. Trop haut est un handicap. Trop bas c’est pire.
Merci à Jerome Proust pour ses nombreux commentaires sur la démarche clinique fonctionnaliste qui ont incité Francois Unger à publier un nouveau post sur le Plan de morsure de Jeanmonod.
Je valide et j’applaudis à deux mains : utilisant moi même cette démarche clinique depuis très longtemps je ne peux que confirmer sa valeur thérapeutique !
J’avais publier en 2016 mes points de vue sur les dysfonctions de la manducation pour partager mon expérience avec mes confrères . Les commentaires désobligeants d’un internaute sous couvert d’anonymat dont on ne sait quelle est sa spécialité m’avait résigné au silence et je m’étais promis de ne plus intervenir.
Je reprends grâce à vous deux mon bâton de pèlerin pour témoigner encore une fois de l’importance de cette orthése.
Et pour répondre aux questions posées :
1- Je fais échancrer en forme de U pour diminuer un peu la surface de l’appui palatin.
2- C’est mon labo qui réalise mes plans de morsure
Et encore un grand merci à vous deux
Merci Alain pour ce commentaire encourageant, le partage d’expérience est une démarche gratifiante et aussi un devoir en ce qui me concerne. Nous verrons au cours de cette série de post que nous proposera François que l’utilisation du plan de morsure s’inscrit dans une démarche globale et en ce sens il ne s’agit pas d’un simple dispositif à visée d’obtenir une relaxation mais de proposer un traitement étiologique pérenne. Mais c’est aussi un dispositif précieux dans des cas de reconstructions prothétiques complexes sans qu’il y ait de dysfonction. Le plan bien utilisé rend ces traitements beaucoup plus simples et sûr. Mais le revers de cette efficacité c’est l’exigence dans sa réalisation (thème de ce post), dans sa mise en place et aussi dans le « pilotage » du traitement où le plan accompagne le praticien. J’espère que nous aurons l’occasion au travers d’exemples de montrer tout ce que l’utilisation de ce dispositif peut apporter à notre pratique quotidienne.
Mes prochains posts sur le plans de morsure (réglage en bouche, puis exploitation…) sont déjà en forme. Ils seront intercalés avec des posts similaires sur les gouttières.
Mais j’invite tous ceux qui veulent publier leurs cas (pour illustrer leurs propos) à nous transmettre les documents (images et textes) que nous mettrons en forme bien volontiers pour monter des posts dont ils seront les auteurs et qui ne seront mis en ligne qu’après leur BAT. Et liberté de ton garantie!
amitiés
François