Navigate / search

Introduction aux dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) #1

  1. Introduction aux dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) #1
  2. Quel coût économique et social des DTM ? #2
  3. DTM et comorbidités : un modèle multifactoriel et multi-échelle #3
  4. Le projet OPPERA #4
  5. Classification des dysfonctionnements temporo-mandibulaires #5
  6. Existe-t-il une classification commune et admise des DTM ? #6

Les dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) sont des myo-arthro-pathies de l’appareil manducateur [1, 2]. Il existe des DTM algiques et des DTM non-algiques. Ces pathologies, aigües ou chroniques, associent douleurs oro-faciales intermittentes ou persistantes, intéressant préférentiellement les muscles masticateurs et/ou les ATM, dyskinésies de l’appareil manducateur (trajets instables d’ouverture et de fermeture buccale, difficultés lors de la mastication) et parfois des gnathosonies (bruits articulaires de type claquement, craquement, crissement).

Douleurs
Douleurs

De nombreuses dénominations ont été proposées au cours des 50 dernières années : syndrome de Costen [3], SADAM, ADAM, DAM… L’acronyme DTM semble s’imposer aujourd’hui dans la communauté francophone ; sans jugement, il est celui que se rapproche le plus de l’international TMD (temporo-mandibular disorders) [4]. C’est celui que nous retiendrons, à des fins didactiques, dans cette série de posts.

Les douleurs sont (et de loin !) le premier motif de consultation. Elles peuvent se manifester [5] sous la forme de douleurs articulaires (arthralgies), musculaires localisées (myalgies localisées), référées à d’autres localisations oro-faciales (douleurs myo-fasciales référées) ou encore plus à distance (myalgies multifocales : à plusieurs endroits de l’organisme comme le dos, le cou, les épaules). Les DTM peuvent être très handicapants et peuvent amener progressivement à une dégradation significative de la qualité de vie du patient.

Les DTM toucheraient environ 10 % de la population [6] : ils sont la première cause de douleurs oro-faciales après les odontalgies, et la deuxième cause de troubles musculo-squelettiques après les lombalgies. Ils concernent 2 femmes pour 1 homme. Ce sont des pathologies complexes, multiformes, multi-étiologiques dont les causes réelles ou supposées sont multiples et parfois sujettes à controverses : génétique, physiologique, psycho-émotionnelle, occlusale, hormonale, traumatique, para-fonctionnelle, posturale, en lien avec le sommeil, etc.

L’étude et la prise en charge des DTM est confrontée à trois problématiques majeures.

Problématique n° 1 : errance diagnostique

Selon l’endroit où ils habitent, la présence ou l’absence de spécialistes autour d’eux, les patients ayant des douleurs oro-faciales de type de DTM, peuvent errer dans le domaine médical pendant plusieurs années, avant de trouver un praticien ou une équipe hospitalière susceptible de les prendre en charge. Cet élément constitue une perte de chance thérapeutique et une voie vers la chronicisation des douleurs.

L'errance diagnostique
L’errance diagnostique

Problématique n° 2 : difficulté thérapeutique

La difficulté de la prise en charge de ces pathologies réside dans le grand nombre et l’intrication de cofacteurs impliqués dans la genèse, le déclenchement et l’entretien de ces douleurs et dysfonctions. Ces difficultés d’analyse compliquent la thérapeutique et le pronostic, et conduisent le patient à un sous-diagnostic, une errance thérapeutique et parfois, malheureusement, à des traitements inappropriés.

Aucune approche thérapeutique optimale n’a émergé et chaque choix de prise en charge devra être individualisé, en fonction de multiples critères recueillis lors de l’entretien et de l’examen (y compris des critères psycho-sociaux et occupationnels). Il existe ainsi différentes approches thérapeutiques, comme la kinésithérapie maxillo-faciale [7], l’éducation thérapeutique, les thérapies cognitivo-comportementales, l’hypnose [8], la relaxation, les thérapies pharmacologiques (AINS, myorelaxants, analgésiques…) et l’utilisation d’orthèses occlusales [9].

La thérapie individualisée n’est PAS forcément fondée sur l’étiologie des DTM (celle-ci n’est pas toujours bien connue) et la thérapie individualisée est plutôt dictée par les signes et les symptômes présents [10]. Les approches thérapeutiques combinées ont en général plus de succès que les approches thérapeutiques simples [11]. Le consensus actuel veut que la prise en charge des DTM fasse appel à une stratégie multimodale, réversible, peu invasive, impliquant la participation du patient. Cette thérapeutique rentre de plus en plus dans le cadre d’une médecine 4P qui se veut prédictive, préventive, personnalisée et participative [12].

L'errance thérapeutique
L’errance thérapeutique

Problématique n° 3 : la nécessité d’un réseau de soin

Une prise en charge multimodale implique plusieurs praticiens et une pluralité de compétences (omnipraticien, spécialiste référent, kinésithérapeute maxillo-facial, psychologue, hypnothérapeute, etc.).

Réseau de soins
Réseau de soins

Notre travail, à travers ce blog, se destine à la diffusion des connaissances associant le diagnostic des DTM et leurs prises en charges auprès des professionnels de santé concernés, qu’ils soient odontologistes ou non. Nous espérons sensibiliser la communauté médicale à cette problématique et pouvoir ensemble, faire diminuer l’errance diagnostique et thérapeutique pour nos patients. Nous aborderons, au cours des prochains posts, les différents aspects que sont l’entretien, l’examen clinique et radiographique, la compréhension des douleurs, les étiologies, les prises en charge, le pronostic.

BIBLIOGRAPHIE

1. Gerber A. Kiefergelenk und zahnokklusion (Articulation temporo-mandibulaire et occlusion dentaire). Dtsch Zahnärztl 1971;26:119-41.

2. Graber G. Neurologische und psychosomatische aspekte der myoarthropathien des kauorgans (Aspects neurologiques et psychosomatiques des myo-arthro-pathies de l’organe masticateur). ZWR 1971;80:997-1000.

3. Costen JB. A syndrome of ear and sinus symptoms dependent upon disturbed function of the temporomandibular joint. 1934. Ann Otol Rhinol Laryngol 1997;106(10 Pt 1):805-19.

4. Bell WE. Clinical management of temporomandibular disorders. Year Book Medical Publishers, 1982.

5. Schiffman E et coll. ; International RDC/TMD Consortium Network ; International Association for Dental Research ; Orofacial Pain Special Interest Group ; International Association for the Study of Pain. 6. Diagnostic criteria for temporomandibular disorders (DC/TMD) for clinical and research applications: recommendations of the International RDC/TMD Consortium Network and Orofacial Pain Special Interest Group. J Oral Facial Pain Headache 2014;28(1):6-27.

7. Slade GD et coll. Painful temporomandibular disorder: decade of discovery from OPPERA studies. J Dent Res 2016;95(10):1084-92.

8. Aguila M, Benichou M, Hennequin A, Grégoire G, Destruhaut F. Temporo-mandibular disorders: benefits of a cervical therapeutic approach in facial myalgia treatment. A review of the literature. Oral Health and Care 2019;4(7):1-6.

9. Hennequin A, Tenenbaum B, Caire JM, Bergia JM, Diemer F, Destruhaut F. Hypnothérapie et gestion des douleurs oro-faciales dans le cadre des désordres temporo-mandibulaires. Cahiers de prothèse 2020;189:330-8.

10. De Leeuw R, Klasser G. Orofacial pain: guidelines for assessment, diagnosis, and management, Ed 6. Quintessence, 2018:327p.

11. Greene CS. The etiology of temporomandibular disorders: implications for treatment. J Orofac Pain 2001;15(2):93-105.

12. Kurita H, Kurashina K, Kotani A. Clinical effect of full coverage occlusal splint therapy for specific temporomandibular disorder conditions and symptoms. J Prosthet Dent 1997;78(5):506-10.

13. Destruhaut F, Pomar P, Letellier T, Hennequin A. Intelligence artificielle, médecine 4P et rééducation fonctionnelle de l’appareil manducateur : perspectives. Cahiers de prothèse 2020;189:403-13.

  • Êtes-vous confrontés aux DTM dans votre pratique clinique ?
  • Pensez-vous difficilement différencier myalgie, arthralgie, désunion réductible et irréductible ?
  • Pensez-vous avoir un rôle à jouer dans la prise en charge des DTM simples, et seriez-vous prêt à le faire ?
  • Si oui, pensez-vous avoir besoin de formation continue ?
  • Si vous avez répondu OUI à au moins une de ces questions, rejoignez-nous sur IdWeblogs.com et prenez part au changement.

Comments

massmolaire

Bonjour,
Une de mes patientes que je suis depuis plusieurs années et qui a eu des travaux de reconstruction importants, m’a appeler pendant le confinement Covid19 pour des douleurs de l’ATM qui diffuse vers l’oreille etc. Pourtant, je n’avais jamais dépisté de problème de genre chez elle avant…
Du coup, je me demande si cette période de confinement et d’épidémie ne pourrait pas générer un stress élevé chez certains et donc une hyper-activité des muscles masticateurs. Le stress psychologique doit-il être considérer comme un facteur d’apparition des DTM?
Merci.

Antonin HENNEQUIN

Bonjour,

il est toujours difficile de se prononcer sur le cas particulier de votre patiente, sans l’avoir examinée bien entendu.

Pour autant, le stress, l’angoisse, l’anxiété, la dépression, la catastrophisation sont des co-facteurs de DTM largement décrits et dont l’étiologie est aujourd’hui totalement acceptée, parmi d’autres.

L’évaluation de l’état psycho-émotionnel du patient, dans ce qu’on appelle l’axe 2 de l’examen clinique et qui fera l’objet d’un ou plusieurs post, est importante dans le diagnostic et également dans le pronostic.

En effet, nombreuses études ont montré que les patients qui avaient des idées positives avaient moins de douleurs le moins d’après, et eux qui avaient des idées négatives : plus de douleur de le mois d’après.

toniodaft

Bonjour,

J’ai répondu OUI à votre 4 questions, donc vivement la suite de vos posts 😉

Merci.

Leave a comment