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Classification des dysfonctionnements temporo-mandibulaires #5

  1. Introduction aux dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) #1
  2. Quel coût économique et social des DTM ? #2
  3. DTM et comorbidités : un modèle multifactoriel et multi-échelle #3
  4. Le projet OPPERA #4
  5. Classification des dysfonctionnements temporo-mandibulaires #5
  6. Existe-t-il une classification commune et admise des DTM ? #6

Est-il possible de clarifier un peu la situation ?

Les dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) sont des myo-arthropathies multifactorielles, parfois complexes, incluant des manifestations somatiques et psycho-émotionnelles. Toutes ces dysfonctions ne sont pas douloureuses ; lorsqu’elles le sont, les douleurs peuvent être articulaires (ATM), musculaires (myalgie localisée, myalgies référées) ou neuro-centrales en cas d’hypersensibilisation dans le cadre de douleurs chroniques [1]. Dans un cadre diffus où des DTM peuvent être confondus avec des odontalgies ou avec des douleurs oro-faciales ne relevant pas d’un DTM (« non-DTM »), il est devenu important de se référer à une classification commune des maladies.

La capacité de comprendre et d’étudier la physiopathologie des processus sous-jacents à un trouble, dépend d’une terminologie commune et d’un système de classification, ce qui permet de faciliter la communication entre cliniciens, chercheurs, universitaires et patients. Cette série de quatre posts s’appuie tout particulièrement sur les aspects fondamentaux du livre de Reny de Leeuw et Gary Klasser, OroFacial Pain [2, 3]. Nous soulignons l’importance des contributions majeures de ces deux auteurs à la diffusion des connaissances concernant les douleurs oro-faciales.

Début
Début

Objectifs d’une classification nosologique et pronostique

La nosologie (du grec nosos : maladie) est la discipline médicale qui classe les maladies en fonction de différentes composantes : les signes et les symptômes (sémiologie), les causes (étiologie) et les mécanismes déclenchant la pathologie (pathogénie). Les classifications médicales peuvent aussi tenir compte des caractéristiques biomédicales, psychologiques et socio-culturelles d’une même affection (d’après le concept D-I-S, disease-illness-sickness, d’Allan Young) [4].

Une classification nosologique et pronostique « idéale » devrait donc [3] :

  • être déterminée par des critères pouvant classer les pathologies en fonction des symptômes, des étiologies ou des processus pathogéniques ;
  • répartir les pathologies en fonction du système d’organes impliqués. Ceci peut être compliqué car de nombreuses maladies touchent plusieurs organes (c’est le cas de maladies systémiques), ou le cas spécifique de la douleur chronique qui n’est plus seulement le signal d’un trouble, mais une maladie (au sens psycho-social) évoluant, chez un individu, pour son propre compte ;
  • avoir une bonne corrélation entre les signes cliniques et la catégorie diagnostique retenue, ce que nous éclairerons sous les termes de sensibilité et de spécificité ;
  • être cliniquement signifiante et cohérente avec la compréhension que nous avons de la maladie ;
  • être exhaustive, sans être incompréhensible à l’intelligence humaine ;
  • éclairer la prise de décision thérapeutique afin de fonder une médecine 4P (prédictive, préventive, personnalisée, et participative) ;
  • être informative d’un pronostic selon les phénotypes rencontrés ;
  • aider les chercheurs à mieux comprendre la prévalence, l’étiologie, et l’évolution naturelle d’un trouble spécifique, afin que les résultats puissent être comparés entre patients et divers groupes de recherche.

Nous formulerons néanmoins deux problèmes importants liés aux classifications nosologiques et pronostiques :

  • Il n’est pas toujours important, sur le plan clinique, de diviser davantage les sous-groupes lorsque tous les troubles d’un sous-groupe donné sont pris en charge par la même thérapie : d’un point de vue de l’omnipraticien, les sous-catégories ne sont utiles que lorsque la thérapie l’exige.
  • Il n’est pas certain que les critères diagnostiques très précis à des fins de recherche soient adéquats pour gérer efficacement la maladie, particulièrement lorsque la prise en charge est simple et stéréotypée [5].

Processus d’élaboration d’une classification nosologique [2, 3]

Désigner et nommer
Le processus d’élaboration d’une classification commence par identifier un groupe de signes (éléments objectifs définis par le praticien) et de symptômes (éléments subjectifs transmis par le patient). Une fois ceux-ci identifiés, le trouble est désigné et nommé.

Développer des critères d’inclusion
Il est très important que les signes et les symptômes utilisés pour identifier le trouble soient le plus spécifiques possible au trouble, de sorte que d’autres troubles non liés ne soient pas mal identifiés. Il faut donc développer des critères d’inclusion et d’exclusion spécifiques qui permettront de les regrouper avec le plus de précisions possibles, et d’éliminer la variabilité dans le diagnostic.

Tester les critères
Un test est alors nécessaire pour déterminer si les critères de diagnostic sont valides et fiables. Une fois la fiabilité prouvée, les efforts peuvent être orientés vers une meilleure compréhension de l’étiologie, menant éventuellement à une prise en charge thérapeutique plus efficace.

Sensibilité et spécificité des critères diagnostiques

Un système de diagnostic devrait être fondé sur des critères diagnostiques fiables et pouvant être testés, ce que désigne un niveau de « sensibilité » et de « spécificité » [6] :

  • La sensibilité d’un test est sa capacité à reconnaître le plus possible de malades (sans se tromper) parmi les personnes malades testés (par exemple : elle devrait être > 80 % si on souhaite reconnaître > 80 % de malades dans une population malade ; il y aura donc 20 % de faux négatifs) (fig. 1).
Fig. 1
Fig. 1
  • La spécificité d’un test est sa capacité à ne pas reconnaître comme malades des personnes qui ne le sont pas, et donc écarter les faux positifs (fig. 2).
Fig. 2
Fig. 2

En synthèse

Des systèmes de diagnostic sont nécessaires pour aider à la gestion des douleurs oro-faciales.
Il existe de nombreux schémas de diagnostic très variés, qui reflètent la complexité de la douleur.
Aucune classification à visée diagnostique n’est parfaite et sans lacunes.
L’émergence des classifications s’est faite lentement au cours du XXe siècle, au fur et à mesure des connaissances, ce qui sera l’objet du prochain post intitulé : « Comment l’émergence des connaissances passées nous aident à comprendre les connaissances actuelles ».

Bibliographie

1. Dworkin RH et coll. Multidimensional diagnostic criteria for chronic pain: Introduction to the ACTTION-American Pain Society Pain Taxonomy (AAPT). J Pain 2016;17(9 Suppl):T1-9.

2. Leeuw (de) R. Orofacial pain: guidelines for assessment, diagnosis, and management, Ed. 4. Quintessence, 2008.

3. Leeuw (de) R, Klasser G. Orofacial pain: guidelines for assessment, diagnosis, and management, Ed. 6. Quintessence, 2018.

4. Young A. The anthropology of illness and sickness. Annual Review of Anthropology 2003;11(1):257-85.

5. Schiffman E et coll, International RDC/TMD Consortium Network, International Association for Dental Research, Orofacial Pain Special Interest Group, International Association for the Study of Pain. Diagnostic criteria for temporomandibular disorders (DC/TMD) for clinical and research applications: Recommendations of the International RDC/TMD Consortium Network and Orofacial Pain Special Interest Group. J Oral Facial Pain Headache 2014;28(1):6-27.

6. Fillingim RB et coll. The ACTTION-American Pain Society Pain Taxonomy (AAPT): An evidence-based and multidimensional approach to classifying chronic pain conditions. J Pain 2014;15(3):241-9.

  • Selon vous, quels critères devrait remplir une « bonne » classification médicale ?
  • Dans quelle mesure pensez-vous qu’une classification médicale puisse orienter nos manières d’enseigner et de penser ?
  • Quel impact une classification peut-elle avoir sur nos diagnostics et nos choix thérapeutiques ?
  • Avez vous des difficultés pour distinguer les différentes entités que forment les DTM ?
  • Si au moins une de ces questions vous interpelle, rejoignez-nous sur idweblogs.com et prenez part au changement.
Pour en apprendre plus sur ces sujets, les auteurs sont également formateurs dans les instituts de formation continue suivant :

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