Le réglage de l’occlusion sur implants
Le réglage de l’occlusion en prothèse sur implants est d’une importance capitale pour la pérennité de la restauration.
Nous avons vu dans d’autres posts que :
- les prothèses sur implants tolèrent bien les forces axiales dirigées selon le grand axe de l’implant,
- mais que les forces transversales (forces de cisaillement) sont très mal tolérées.
Nous avons également vu que ce dernier type de force pouvait provoquer des dégâts structurels sur les composants prothétiques tels que :
- dévissages
- fractures de céramique cosmétique
- fractures de vis prothétiques
Il est donc très important de contrôler et d’équilibrer l’occlusion des prothèses implantaires lors de la pose et même de la vérifier lors des visites de contrôle.
Pour illustrer ces principes d’équilibration occlusale, voici le cas clinique d’une patiente de 37 ans ayant bénéficié d’un traitement implantaire pour remplacer sa première molaire maxillaire gauche (26).
L’examen clinique initial n’avait pas permis de suspecter d’activité para-fonctionnelle mais des signes discrets d’usure fonctionnelle. Interrogée sur le sujet, la patiente a observée une légère usure des bords libres de ses incisives centrales mandibulaires et une rotation de la 31.
La prothèse réalisée est une couronne en céramique sur zircone, collée sur pilier Ti-base, trans-vissée directement dans l’implant.

Réglage de l’occlusion statique
La première étape de l’équilibration occlusale est de régler le/les contact(s) en OIM.
La patiente est installée sur le fauteuil incliné à 45° car une position trop allongée peut provoquer un recul mandibulaire qui fausserait la procédure.
Il faut, dans la mesure du possible, établir un rapport cuspide-fosse de manière à ce que le point d’occlusion, marqué avec un papier encré fin (40 microns maximum) se situe dans l’axe de l’implant, c’est à dire au plus proche du puis d’accès à la vis qui aura été préalablement obturé.
Le point de contact occlusal en OIM doit être le plus réduit possible en surface. On parle de contact punctiforme.
Réglage de l’occlusion dynamique
La deuxième étape de l’équilibration est de régler les contacts lors de la mastication.
Important : cette patiente présente une fonction canine bilatérale parfaite. Les mouvements en latéralité classiquement décrits provoquent donc une désocclusion des secteurs molaires mais il est illusoire de croire qu’il n’y aura pas de contacts occlusaux sur les dents cuspidées lors de la mastication.
Nous allons donc devoir simuler la mastication pour mettre en évidence ces contacts qui font intervenir des forces transversales potentiellement nocives pour les implants. Pour cela, le patient doit être installé en position assise (car la mastication se fait généralement en position assise) et il lui demandé de mâcher (comme du chewing-gum) une feuille de papier encré de 200 microns en forme de fer à cheval.
Cette étape met en évidence des zones de frottement entre les pans cuspidiens lors de l’accès à l’OIM. Ces contacts doivent être supprimés tout en veillant à ne pas modifier le contact d’OIM préalablement établi.
Polissage
Les étapes d’équilibration sont réalisées avec des fraises de granulométrie fine (bague rouge) et sous irrigation abondante.
Elles doivent être complétées par un polissage consciencieux au moyen de pointe silicone de granulométrie décroissante (pré-polissage – polissage – glaçage).
Conclusion
Les prothèses implantaires ne se comportent pas comme les dents naturelles.
Ces prothèses, une fois mises en place, risquent d’être soumises :
- à des forces fonctionnelles lors de la mastication
- à des forces para-fonctionelles
L’équilibration occlusale est le meilleur garant de la perennité des composants prothétiques en réduisant de manière drastique l’apparition des complications prothétiques les plus courantes que sont les fractures de cosmétique et les dévissages.
- Comment effectuez-vous les réglages de l’occlusion des prothèses supra-implantaires ?
- Pensez-vous que cela puisse réduire le taux de complications prothétiques ?
Comments
C’est excellent Guillaume ! je suis parfaitement d’accord et je pense qu’il est indispensable de s’occuper de l’occlusion de cette manière pour réduire les complications
Il était important de rappeler comme vous le faites que l’occlusion sur les implants ne tolère aucune surcharge et je me permettrais d’insister sur le fait que l’enregistrement de l’OIM en position assise doit être fait avant la pose de l’élément prothétique sur l’implant et de préférence avec une couleur différente pour pouvoir vérifier qu’avec l’élément prothétique en place l’OIM est parfaitement respectée et l’occlusion sur cet élément est bien située dans l’axe de l’implant.
Chers amis,
merci à tous les deux pour vos commentaires.
Jean-Pierre : je vous rejoins sur l’idée qu’il faut TOUJOURS enregistrer l’OIM en position assise (ou fauteuil incliné à 45° maximum). En revanche, je ne suis pas sûr de bien comprendre – quand vous parlez d’un « enregistrement de couleur différente » pour vérifier que l’OIM n’est pas perturbé par l’élément prothétique. Pourriez-vous préciser SVP?
Oh ! Oh ! C’est bizarre les amis, mais nous n’allons pas être d’accord cette fois ci.
– axialisation des contraintes : OUI, mais je ne vois pas souvent dans les cas publiés une explication sur le contrôle de l’axe de l’implant en relation avec les contraintes qu’il subira.
– il existe un article intéressant montrant que l’OIM est peu influencée par la posture du patient.
– Le « papier » d’occlusion de 200 microns est générateur de très nombreux faux-Positifs.
– je ne savais pas qu’il y avait souvent des contacts occlusaux pendant la mastication ! Je croyais savoir que le mâchonnement du chewing-gum était une forme de parafonction et ne donnait pas un cycle masticatoire fonctionnel.
– Je n’ai pas bien compris si on voulait éviter les contacts occlusaux lors du mâchonnement, ou si on voulait obtenir des contacts occlusaux lors du mâchonnement pour protéger l’ATM, ou pour la faciliter cette parafonction !
– réglage en OIM : il faudrait commencer par expliquer que suivant le contexte dentaire (dent terminale ou intermédiaire, antagoniste) la problématique est très différente, avant de décrire l’équilibration différentielle OIM passive-active. On constate que le discours tellement politiquement correct sur l’OIM passive-active conduit en fait à la mise en sous occlusion quasi-systématique des coiffes implantoportées. La sous occlusion n’a pas de justification en prothèse fonctionnelle.
vaste sujet abordé ici…. cependant le cas est simple ; prothèse intercalée…. personnellement sur le sujet je reviens souvent sur les articles de Paul Mariani sur le réglage des prothèses implanto-portée où il décrit un contact léger en mettant les dents en contacts et un contact normal après serrage, ce qui semble logique car dans ce cas on rattrape la laxité du ligament alvéolo-dentaire, qui rappelons le n’existe pas sur une « racine » implantée… quand aux contacts lors de la mastication on arrive sur les concepts de M Le Gall qui bien qu’interressants sont contestés; il me semble que dans un cas simple comme celui-ci la protection du cosmétique en allègeant les éventuelles frictions en latéralité n’est pas superflu. Quand au papier 200 si c’est un bausch il a une impression progressive très interressante car le centre qui n’est pas coloré est un contact trop fort ce qui simplifie les réglages….
donc, du bon sens, de la finesse et du doigté pour une réussite à long terme.
Chers amis,
merci à tous les deux pour ces commentaires qui montrent que ce sujet est bel et bien brûlant!
Je me permets de faire une réponse conjointe puisque Michel rebondit sur les remarques et interrogations de Jean-Daniel.
Je ne suis pas du tout un partisan de la mise en sous occlusion (même légère) des prothèses implantaires pour deux raisons : d’abord parce que c’est un enfer à régler (selon la méthode Mariani) et que toute sous-occlusion sera au final compensée par l’égression de la dent antagoniste (pour peu qu’elle soit naturelle).
La conservation, lors du réglage de l’occlusion dynamique, du contact en OIM est primordiale. Le réglage dynamique, en simulant la mastication, permet de réduire les frictions entre les pans cuspidiens lors de l’accès à l’OIM. L’épaisseur de 200 microns permet, comme le note Michel, de repérer les zones de friction excessives. Pour répondre à la remarque de Jean-Daniel : tous les papiers d’occlusion sont générateurs de faux-positifs et de faux-négatifs. Mes illustrations auraient peut être pu (mea culpa) montrer l’utilisation de deux couleurs pour le réglage de l’OIM. Seuls les points où se superposent les deux couleurs sont considérés comme des marques « valables ».
Pour poursuivre ce débat, je pars du principe que l’OIM est le point d’arrivée du cycle de mastication et que tout doit être fait pour préserver sa définition, stable, unique et précise et pour empêcher que les cuspides ne s’entrechoquent trop brutalement lors de l’accès à cette OIM lors de la mastication.
En prothèse implantaire – comme en médecine en général – le contexte a son importance, bien évidemment. Mais nous avons aussi besoin des concepts les plus simples à mettre en oeuvre et le plus efficaces (dans le sens où ils permettent de réduire le pourcentage de complications) possibles. Cette méthodologie semble, pour moi comme pour d’autres, atteindre cet objectif.
En attendant la suite de ce débat passionnant, je vous propose deux références qui semblent montrer que l’occlusion est influencée par l’inclinaison du fauteuil :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21479279
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26344187
Au plaisir de vous lire.
GGM.
hello Guillaume,
« l’occlusion » est influencée par la posture du sujet, nous le savons depuis longtemps (cf le shéma de Mohl – 1976 je crois). Je parlais de l’OIM : cf
Tripodakis, A.P., J. Smulow, and N. Mehta, Clinical study of location and reproducibility of three mandibular positions in relation to body posture and muscle function. J Prosth Dent, 1995. 73(2): p. 190-8.
Salut à tous, je dirais plutôt que l’OIM est influencée par la posture de la tête, qui est elle même influencée par la posture générale du sujet. Mais dans les conditions de travail pour nous, sur un patient en décubitus, ayant la tête dans le prolongement du corps, sans flexion, ni extension peut à mon sens tout à fait être enregistré en OIM. IL ne s’agit pas de régler la prothèse en sous occlusion, mais plutôt qu’elle ne touche pas avant les dents naturelles collatérales. Dans le cas de secteurs libres postérieurs (édentements distaux) le montage en articulateur est indiqué, et une attention toute particulière est portée sur le réglage de l’occlusion au stade des céramique à l’état de biscuits pour assurer une bonne symétrie (droite et gauche) des appuis.
Entièrement d’accord avec toi Gérard. Le réglage des céramiques non-glacées est une étape d’autant plus importante que la prothèse implantaire sera de grande étendue.
Jean-Daniel : il me semble toutefois que le terme « d’occlusion » incluait l’OIM. Donc selon toi, l’OIM pourrait être enregistrée indifféremment en position assise qu’en position allongée? J’aimerais STP que tu nous précises ton opinion et ta manière de procéder sur ce sujet.
OIM et posture
Bonjour,
cf l’article de Tripadokis- Bien sûr que l’OIM est peu influencée par la posture, il suffit de fermer les dents et de bouger la tête pour s’en apercevoir, et non pas de faire l’inverse : quand on ferme en flexion cervicale, oui la mandibule atterrie en avant de l’OIM , mais elle n’est tout simplement pas en OIM. Dans OIM il y a « maximale ». L’OIM doit être unique; dés que l’on sort de l’OIM, on parlera de réglage du guidage. Pour qu’il y ait OIM, il faut suffisamment de couples pluriscupidés antagonistes, le calage se vérifiant avec la technique du Shimstock. La pièce prothétique voulant s’intégrer à l’OIM, doit « y participer sans l’empêcher »; on dit que la pièce prothétique doit renforcer l’OIM. Bon bout d’an.