Le vissage en prothèse implantaire
Les problématiques liées au vissage sont une réalité clinique en implantologie prothétique et se manifestent soit par le dévissage soit par la fracture de la vis de prothèse. Le dévissage d’une prothèse implantaire va permettre l’invasion bactérienne au niveau du col implantaire et peut conduire, si elle persiste, à une perte osseuse péri-implantaire. Il est important pour le praticien et pour le patient de savoir repérer rapidement un dévissage pour pouvoir le traiter au plus vite.
Pour prévenir les causes potentielles de dévissage et/ou de fractures de vis, il faut comprendre la mécanique du vissage.
Mécaniquement, le serrage d’une vis permet de maintenir deux pièces différentes l’une avec l’autre, comme un pilier à un implant. La vis est serrée en lui appliquant une valeur de torque ou couple de serrage (en N/cm). Le torque développe une force au sein de la vis qui va s’allonger et produire une traction (flèches jaunes de la figure 1). Cette force de traction est équivalente à la force de compression (flèches rouges de la figure 1) s’exerçant à l’interface des deux pièces assemblées.
Le serrage, pour être efficace et contrôlé, ne doit pas se faire à la main. Il est indispensable d’utiliser une clé dynamométrique ou bien un contre-angle dynamométrique.
A l’inverse de ces forces « de vissage », il existe des forces de « dévissage ». Le dévissage survient lorsque ces dernières sont supérieures aux premières, c’est-à-dire lorsque les contraintes extérieures subies par la prothèse sont supérieures ou égales à la force qui maintient les deux pièces vissées l’une à l’autre.
Cliniquement, le danger pour les pièces implantaires vissées vient des forces fonctionnelles ou para-fonctionnelles transversales c’est-à-dire ne s’exerçant pas dans le grand axe de l’implant. Les contraintes transversales provoquent une déformation et une usure du filetage de la vis. En conséquence, le jeu entre les pièces augmente progressivement et une contrainte par fatigue apparaît. Les dévissages intempestifs sont le prélude des fractures de vis. Les forces de dévissage proviennent aussi d’armatures prothétiques non passives. De la même façon, si la précision d’adaptation des pièces (connectique) est insuffisante, des micromouvements vont rapidement apparaître et contraindre la vis. Peu importe la géométrie de la connexion utilisée (hexagone, octogone, cylindre à cames, cône morse…) : c’est la précision d’adaptation de l’usinage qui prime. Cependant, plusieurs études ont confirmé la meilleure stabilité des connexions internes par rapport aux connexions externes. Lorsque les deux pièces sont vissées l’une avec l’autre, le hiatus doit être le plus faible possible de manière à ce qu’elles absorbent les contraintes de manière homogène. Si ce n’est pas le cas, c’est la vis, maillon faible du système, qui va encaisser les contraintes et subir une usure par fatigue pouvant aller jusqu’à la fracture.
Quel matériau utiliser pour la vis ?
La littérature est claire : les vis en alliages précieux présentent un bien meilleur comportement mécanique au niveau de l’interface de vissage implantaire que les alliages titane. Il faut donc éviter d’utiliser les vis titane autrement que pour les essayages et l’assemblage de prothèses transitoires implanto-portées.
La vis Gold Tite® (Biomet 3i) est une vis en palladium recouverte d’une couche d’or 24 carats de 0,76μ.
L’or à la surface de la vis joue un rôle de lubrifiant lors de l’application de la contrainte de serrage et permet ainsi sa meilleure répartition sur un plus grand nombre de spires. En effet, sur une vis en titane, qui ne peut offrir un état de surface similaire, le frottement lors du serrage est bien plus important et on observe une concentration des contraintes sur les spires les plus cervicales de la vis, ce qui majore le risque de fracture.
Quelle valeur de torque ?
La contrainte de serrage doit être supérieure aux forces de « dévissage » et inférieure à la valeur de résistance en traction susceptible de provoquer la fracture de la vis. Plusieurs études montrent qu’avec une vis alliage or le couple de serrage peut atteindre 32-35 N/cm sans risque.
Le type de pilier prothétique et le matériau dont il est constitué semblent également jouer un rôle dans l’obtention d’une contrainte optimale de serrage. Les recommandations du fabricant doivent être le fruit d’études mécaniques in vitro et doivent être, à ce titre, respectées par le praticien.
Plusieurs études in vitro ont montré qu’en raison de l’élasticité propre de la vis et de problèmes d’irrégularité d’état de surface, la force de serrage diminuait de manière significative dans le temps. Il est donc conseillé de re-torquer la vis 10 minutes après le premier serrage et si possible, régulièrement pendant les années de service de la prothèse.
Merci de vous reporter à l’article de Sheldon Winckler et col. : Implant screw mechanics and the settling effect. An overview. Journal of Oral Implantology
Cas particulier de la prothèse vissée sur pilier conique :
Une étude de Sakaguchi et Borgensen publiée en 1995 dans l’International Journal of Oral Maxillofacial Implants a montré que le torque délivré sur la vis prothétique exerce une traction sur la vis de pilier qui divise par 2 la contrainte de serrage initiale.
Ce type de reconstruction peut être utilisée si un grand nombre d’implants permet, par vissage multiple, de maintenir la prothèse. Mais en cas de prothèse unitaire ou plurale de faible étendue, il est préférable de visser la prothèse directement dans l’implant (pilier UCLA)
Mc Glumphy EA, Mendel DA, Holloway JA. Implant screw mechanics. Dent Clin N Am 1998.
Fromentin O, Paupelut R. Comprendre et contrôler le vissage en prothèse implantaire. Alternatives 2005.
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[…] prothèse implantaire fait toujours intervenir une vis de connexion qui doit descendre dans le pas de vis interne de l’implant. Il arrive, qu’au retour du […]
[…] joue un rôle capital dans la stabilité de l’interface implant-prothèse. Nous avons vu dans un post précédent quelques éléments de mécanique et surtout l’importance du couple de […]
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