Implantologie esthétique: transfert du profil d’émergence au laboratoire
Si la qualité esthétique des prothèses implantaires du secteur antérieur est directement dépendante de la précision de la position des implants et de la qualité des tissus qui les entourent, encore faut-il aussi bénéficier de techniques prothétiques qui puissent exploiter ces facteurs de qualité. En particulier, un soin attentif est apporté au développement d’un profil d’émergence esthétique. Ce dernier est le plus souvent créé par une dent temporaire qui vient mettre en forme un volume gingival préalablement optimisé qualitativement et quantitativement par un apport de tissu mou. Il est intéressant de transmettre au laboratoire des informations sur le profil d’émergence développé afin qu’il puisse les utiliser pour la confection du pilier prothétique. Une technique d’empreinte particulière permet d’enregistrer et de transférer précisément au laboratoire le profil d’émergence implantaire. Nous l’illustrons par un cas d’incisive centrale unitaire. Une patiente consulte pour un défaut esthétique de sa 11 remplacée par un bridge collé. Un implant (Biomet 3i) a été mis en place avec un aménagement tissulaire. Un profil d’émergence satisfaisant a été développé: les papilles sont présentes, les collets sont alignés. Noter l’aménagement de diastèmes indispensables pour créer la symétrie esthétique avec la 21.
La technique d’empreinte proprement dite fait appel à l’enregistrement sans contrainte ni pression de la zone sulculaire validée par la prothèse provisoire. Pour cela l’extrados de la dent temporaire va être enregistré. La prothèse provisoire est retirée. Elle est ensuite transfixée à un analogue d’implant, puis enfoncée (jusqu’au tiers coronaire) dans une masse de silicone épais. Après polymérisation, elle est dévissée et retirée du silicone. Un transfert d’empreinte adapté est alors solidarisé à l’analogue. L’espace périphérique laissé libre et correspondant à la forme du tiers cervical de la prothèse provisoire est rempli par un composite flow, injecté délicatement pour éviter des bulles. Après polymérisation le transfert d’empreinte est reporté en bouche. L’empreinte globale est alors prise sur ce transfert anatomique, sans redouter que la compression des matériaux ne vienne déformer la zone gingivale du sulcus implantaire. La radio permet de contrôler la bonne adaptation du transfert modifié sur l’implant. L’empreinte est réalisée en technique pick-up avec un porte-empreinte fenestré. Dès son retrait, la dent temporaire est replacée en bouche.
Le modèle de travail du laboratoire reproduit sur une fausse gencive la situation buccale. Dans le cas présenté la prothèse est une couronne zircone scellée sur un pilier zircone transvissé. La situation gingivale en vue vestibulaire ou occlusale reste optimale, et le pilier personnalisé transvissé montre à quel point il est d’emblée adapté à la gencive supra-implantaire. Les photographies et la radiographie de la prothèse définitive en place illustrent l’intérêt de cette technique de prise d’empreinte à partir d’un transfert personnalisé. Ainsi l’architecture gingivale est parfaitement soutenue pour une intégration esthétique optimale de la prothèse.
Sinon quelles sont selon vous ses indications?
Les prothèses ont été réalisées par Mr. Jacky Pennard, céramiste, Tours.
Commentaires
Voila un super cas magnifiquement illustré et très didactique. A l’évidence ce type d’empreinte est le meilleur pour les situations antérieures pour lesquelles la genvice est fragilisée (non soutenue) pour un col prothétique très long. Ne pourrait-on pas imaginer que le col prothétique soit haut, plus près du sommet osseux?
La position du col implantaire est toujours dicté par des règles très précises de placement.
En général, il faut placer le col 3 mm en dessous d’une tangente qui relie la JAC des dents adjacentes au site. Dans le cas d’une prothèse scellée, la ligne de finition du pilier doit suivre le feston gingivale dessiné par la prothèse temporaire, 0,5 à 1 mm maximum sous le bord marginal de la gencive afin de pouvoir retirer facilement les excès de ciment.
bonjour le cas clinique est très joli. BRAVO
Je voulais apporter une question: pourquoi ne pas plus simplement mettre un composite fluide autour du transfert d’empreinte (juste avant de prendre l’empreinte), c’est un peu plus rapide non ?
Merci de votre réponse
L’idée d’un composite fluide injecté directement autour du transfert d’empreinte est intéressante et a déjà été rapportée dans la littérature. Toutefois le résultat est moins précis que la technique que nous avons présentée. Le temps de placer le transfert d’empreinte, la gencive a déjà commencé à se déformer. Le composite fluide va être gêné par le sang et la salive. On aura un modelage imparfait du profil d’émergence que l’on cherche à reproduire avec précision.
Comme toujours les cas de Thierry Degorce sont magnifiques. Je n’en aurais pas mesurer la portée si je n’avais changé de concept d’implant. En effet, avec des concepts connectique à plat et col lisse supra-osseux, il est bien difficile d’obtenir ce manchon de gencive, surtout après cratérisation. J’observe qu’au delà de la règle de 3mm sous la JAC, le col implantaire est 2 mm sous le niveau osseux, le diamètre est petit afin de ménager un espace vasculaire de 3mm. Cette volonté se retrouve dans la forme non compressive du profil concave vestibulaire. Une fois ce contexte resitué se posent quelques questions. Le profil est logique car il rejoint deux points par une ligne concave: le col implantaire au collet visible de la couronne. Peut-il donc y avoir plusieurs profil? Sera-t-il plus creusé pour une gencive fine afin de ne pas être compressif ? Est-il évolutif: + creux en post chirurgical puis une fois consolidée la gencive peut-elle être légèrement repoussée en avant? J’observe qu’en proximal c’est un profil convexe qui est retenu. Finalement cher Thierry, qu’est-ce qui guide tes choix?
Cher Antoine, merci pour tes commentaires. Le profil sous-gingival des piliers prothétiques est extrêmement important. Les règles ont changés depuis quelques années avec l’intégration progressive dans le dessin des implants du platform-switching. D’un profil qui se voulait convexe en vestibulaire pour repousser en avant la gencive et développer un bombé esthétique, on préconise aujourd’hui un profil clairement sous-contouré. L’idée est privilégier les tissus, en maintenant de l’épaisseur et une bonne vascularisation. Ce profil est déjà intégré dans le dessin des dents temporaires et se retrouve dans le pilier définitif. Il est finalement peu modifié. Ce qui est important c’est d’avoir du volume gingivale pour pouvoir le mettre en forme. L’épaisseur de la gencive ne change pas le profil qui reste toujours le plus concave possible. Si la gencive est fine, je vais chercher à l’épaissir par une greffe avant de la mettre en forme.
En proximal le profil est effectivement linéaire voir très légèrement convexe. Bien que dans ce cas clinique déjà ancien, la prothèse est scellée sur le pilier, j’essaye aujourd’hui de privilégier le transvissage directe dans l’implant. Des prochains posts vont aborder ce problème.
Crois tu vraiment que cela apporte quelque chose et n.est pas encore une mode comme souvent dans notre domaine?
Je pense que cette technique est intéressante. Elle est simple à réaliser et apporte des informations supplémentaires au prothésiste. Elle apporte de la précision pour positionner les limites des piliers par rapport à la gencive, ce qui est fondamentale lorsque la prothèse est scellée, ce qui est le cas ici.
[…] difficulté : reproduire les mêmes profils au niveau de la prothèse d’usage en céramique. La technique des transferts individualisés est décrite depuis longtemps mais peu de praticiens l’utilisent. Pourtant, cette technique […]