L’hypothèse diagnostique la plus probable est celle d’une dermatose bulleuse acquise, auto-immune, s’exprimant par une atteinte gingivale isolée dans la cavité buccale, dans un contexte préexistant de parodontite chronique généralisée modérée.
Plusieurs dermatoses bulleuses acquises, auto-immunes, peuvent se manifester par une atteinte gingivale : le pemphigus vulgaire, la pemphigoïde cicatricielle, la dermatose à immunoglobuline A linéaire et l’épidermolyse bulleuse acquise (voir annexe n°1). Leur détection précoce par un odontologiste est indispensable car chacune présente des répercussions générales graves pouvant engager le pronostic vital.
Deux biopsies permettent d’orienter le diagnostic (voir annexe n°2).
Vue vestibulaire- Gingivite érosive. Notez les pseudomembranes (flèches)
Vue palatine- Gingivite érosive
La conduite à tenir est simple. Il est impératif de diriger le patient vers un centre hospitalier de référence pour les maladies bulleuses*. Un examen clinique global pluridisciplinaire est nécessaire pour détecter une atteinte cutanée ou muqueuse supplémentaire. De même, seul un traitement systémique adapté à la forme clinique et un suivi médical constant permettent de traiter ce type de maladie. Un traitement parodontal pourra ensuite être entrepris mais une fois la dermatose stabilisée.
1 - Dermatose bulleuse acquise auto-immune
Le diagnostic de dermatose bulleuse acquise auto-immune est confirmé par des examens histologiques obligatoires. Deux biopsies sont nécessaires. Légalement, elles peuvent être réalisées par un odontologiste qui a reçu une formation spécifique. Une biopsie mal réalisée est synonyme de retard de diagnostic, préjudiciable pour le patient.
La première biopsie est destinée à l’examen anatomopathologique. Elle montre soit une acantholyse intra-épithélial dans le cas d’un pemphigus vulgaire, soit un clivage sous épithélial, sans acantholyse ni nécrose des kératinocytes pour les autres dermatoses affectant la jonction chorio-épithéliale (pemphigoïde cicatricielle, dermatose à immunoglobunine A linéaire, épidermolyse bulleuse acquise) (cf photographie).Espace entre l’épithélium et le chorion gingival provoqué par le décollement le l’épithélium
La deuxième biopsie est destinée à l’immunofluoresence directe qui permet d’objectiver les dépôts d’auto-anticorps localisés entre les kératinocytes pour le pemphigus vulgaire ou au niveau de la jonction chorio-épithéliale pour les dermatoses de la jonction. .
Le diagnostic de certitude impose des examens très spécifiques prescrits par les médecins référents.
Pour notre patient, le diagnostic de pemphigoïde cicatricielle a pu être confirmé et un traitement à base de Disulone® a permis de rétablir rapidement l’état général.
2 - Deux groupes de dermatoses bulleuses acquises auto-immunes (DBAI)
Il existe deux groupes de dermatoses bulleuses acquises auto-immunes (DBAI).
Le premier groupe comprend les DBAI intra-épithéliales dont le pemphigus vulgaire. Ces maladies sont générées par des auto-anticorps qui attaquent les systèmes de jonction inter-kératinocytaires. La perte de la cohésion cellulaire qui en découle (ou acantholyse) aboutit à la formation de bulles à l’intérieur de l’épithélium, lesquelles se transforment rapidement en érosions postbulleuses après le décollement du toit épithélial.
Le deuxième groupe comprend les DBAI sous-épithéliales dont la pemphigoïde cicatricielle, la dermatose à immunoglobulines A linéaire et l’épidermolyse bulleuse acquise. Les auto-anticorps sont dirigés contre les hémidesmosomes qui permettent d’ancrer les kératinocytes à la lame basale. Les bulles se forment à la jonction épithélium/chorion et laissent rapidement place à des érosions postbulleuses.
A qui référez vous vos patients en cas de doute diagnostique à propos d’une lésion/anomalie/maladie buccale? Quels sont les éléments qui motivent votre choix?
Orientez vous vos patients vers un centre hospitalier de référence?