Traitement chirurgical d’un cancer de la cavité buccale
Le carcinome épidermoïde est le cancer le plus fréquent de la cavité buccale (90 % des tumeurs malignes). Les facteurs de risque principaux sont le tabac et l’alcool. Le diagnostic de certitude est histologique, après un examen anatomo-pathologique réalisé sur une biopsie faite sous anesthésie locale, au fauteuil le plus souvent.
Le traitement des cancers de la cavité buccale est systématiquement discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire et repose sur la chirurgie et/ou la radiochimiothérapie.
Il cible la tumeur (T) et les aires ganglionnaires (N).
La prise en charge chirurgicale dépend de plusieurs facteurs:
- l’état général du patient ;
- la tumeur (le type histologique, la taille, le siège, la localisation, l’extension à l’os ou à la peau et l’évolutivité) ;
- la présence d’autres tumeurs synchrones ;
- la présence de métastases ;
- la classification TNM ;
- les possibilités d’exérèse et de reconstruction ;
- la motivation du patient.
L’exérèse chirurgicale, si elle est décidée, doit être complète et en marges saines (au moins 1 cm de marge).
Un examen anatomo-pathologique définitif est obligatoire.
Un examen anatomo-pathologique extemporané est nécessaire en cas de reconstruction immédiate.
Un geste sur les aires ganglionnaires n’est pas systématique et dépend de la localisation et de la taille de la tumeur. Il consiste en un curage cervical (exérèse d’une partie des ganglions du cou) ou une adénectomie (exérèse d’un ganglion) ou la technique du ganglion sentinelle (exérèse du premier relais ganglionnaire drainant la tumeur).
Selon la localisation de la tumeur, différentes chirurgies d’exérèse sont proposées et portent un nom particulier.
I/ Chirurgie des cancers de la langue mobile et du plancher buccal
L’exérèse d’une partie de la langue s’appelle une glossectomie partielle.
Il peut s’agir d’une glossectomie de pointe, de forme triangulaire (Figure 1). La fermeture s’effectue alors par suture directe.

La glossectomie marginale emporte le quart du volume de la langue sur sa partie latérale. Généralement, une suture directe est possible. Sinon, la perte de substance peut être laissée en cicatrisation dirigée (cicatrisation autonome sans geste local).
L’hémiglossectomie est l’exérèse chirurgicale d’une moitié de langue dans le sens longitudinal.
Elle peut concerner uniquement la langue mobile ou se prolonger sur la base de langue.
La fermeture d’une hémiglossectomie peut se faire par suture directe notamment si la base est respectée (Figure 2). L’hémi-langue restante, initialement arrondie ou tubulisée, va peu à peu s’aplatir, sans néanmoins reprendre une forme normale. La gêne est cependant minime.

Si l’hémiglossectomie inclut la base, les troubles de la déglutition sont importants malgré les reconstructions par lambeaux pédiculés ou libres parfois réalisées.
Le lambeau pédiculé est un lambeau réalisé par un transfert du tissu musculaire ou musculocutané, sans section du pédicule vasculaire. Il s’oppose au lambeau libre ou microanastomosé qui est un transfert du tissu avec section du pédicule vasculaire et qui nécessite donc de le réanastomoser sous microscope à des vaisseaux au niveau du cou.
Les glossectomies totales, même après reconstruction, ont des conséquences fonctionnelles majeures, et ne sont qu’exceptionnellement réalisées. Un traitement par radiochimiothérapie est alors le plus souvent recommandé.
Si la lésion est à cheval sur la langue et le plancher buccal, l’hémiglossectomie est associée à une exérèse du plancher buccal et s’appelle une hémi pelvi-glossectomie.
Cette dernière est associée à une mandibulectomie en cas d’atteinte osseuse et devient alors une hémi pelvi-glosso-mandibulectomie (Figure 3 et 4).
La pelvectomie est l’exérèse exclusive d’une lésion du plancher buccal.
La pelvi-hémiglossectomie nécessite une reconstruction soit par un lambeau cutanéo-graisseux nasogénien (figure 5), soit par un lambeau muqueux et musculaire (type buccinateur et FAMM Flap), soit par un lambeau musculaire infra-hyoidien, soit par un lambeau de grand pectoral, soit par un lambeau antébrachial (lambeau d’avant-bras vascularisé par l’artère radiale).

II/ Chirurgie des cancers gingivo-mandibulaires
La prise en charge chirurgicale est faite par une gingivomandibulectomie et peut être interruptrice (sectionnant toute la hauteur de la mandibule) ou non interruptrice (respectant une baguette osseuse basilaire plus ou moins épaisse).
En cas de gingivomandibulectomie interruptrice, la reconstruction sera réalisée par un lambeau osseux microanastomosé ou libre (type fibula ou péroné qui est un lambeau vascularisé par l’artère fibulaire et qui comprend la fibula).
III/ Chirurgie des cancers gingivo-maxillaires
L’exérèse chirurgicale d’une partie du maxillaire est une maxillectomie partielle pouvant aller jusqu’à une hémi-maxillectomie. Elle est réalisée le plus souvent par voie endobuccale. Parfois, sur des lésions très importantes, il peut être nécessaire de compléter par une voie paralatéronasale (Figure 6).

La reconstruction est faite soit par un comblement local (lambeau du muscle temporal), soit par un lambeau osseux microanastomosé. En l’absence de reconstruction, une prothèse maxillo-faciale sera réalisée (avec une contention avec ou sans implants).
IV/ Chirurgie des cancers de la face muqueuse de joue
L’exérèse chirurgicale est endobuccale. Elle ne nécessite, en général, pas d’exérèse transfixiante.
La reconstruction sera réalisée soit par une suture directe, soit par une greffe de peau, soit par un lambeau local musculomuqueux.
Les schémas de techniques chirurgicales sont tirées du livre : Traité de technique chirurgicale ORL et cervico-faciale. Y. Guerrier. Edition Masson. 1988
A lire prochainement :
- Intérêt des reconstructions osseuses par lambeaux micro-anastomosés après une chirurgie carcinologique
- Réhabilitation prothétique implantoportée ou dentaire implanto stabilisée après une chirurgie carcinologique
- La fibula double barre : un artifice utile pour la réhabilitation dentaire par implant : illustration par un cas clinique
Comments
Merci pour ce sujet.
Malheureusement ma Maman vient d’être diagnostiquée après biopsie.
Elle n’a jamais bu ni fumé et a une hygiène correcte pour ses 86 ans.
Elle a au début accusé une dent (46) qui lui « rabotait » la langue mais cela a persisté après avulsion de la dent causale qui était de toute manière a ne pas conserver..
L’oncologue pense qu’il s’agit d’un carcinome d’origine virale à type de papilloma virus. Ma mère, une sainte femme, n’a pas les mêmes « activités » que Mickael DOUGLAS !!!!! Il faut bien décompresser un peu.
Existe-t-il des statistiques concernant cette origine virale, quels sont les moyens de transmission de ce virus et quelles sont les pronostics sur le court terme?
La glossectomie partielle et le curage ganglionnaire ont lieu le 13/04…….(la localisation est exactement celle de la figure 2).
Merci mille fois pour votre éclairage.