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Comment calculer les doses en anesthésie locale dentaire #3

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  2. Comment calculer les doses en anesthésie locale dentaire #2
  3. Comment calculer les doses en anesthésie locale dentaire #3
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  5. Comment calculer les doses en anesthésie locale dentaire #5 : le vasoconstricteur
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  13. Calcul de doses #13 et fin : adrénaline contre-indiquée

Vous trouverez les réponses détaillées aux deux questions-tests que je vous ai posées à la fin du dernier billet (questions numéros 2 et 3) dans le corps du texte qui suit.

Quel est le problème soulevé par ces deux questions ?

Lorsqu’on est amené à réinjecter de l’anesthésique pour supplémenter l’analgésie initiale ou réaliser d’autres soins dans le même rendez-vous, quelle est la marche à suivre pour éviter de possibles réactions toxiques dues aux molécules anesthésiques ?

Deux cas de figure se présentent.

On injecte un supplément de la même molécule anesthésique

C’est le cas le plus simple : comme toujours, nous prenons un exemple pratique, en l’occurrence, celui qui a fait l’objet de notre première question.

On a déjà injecté 3 cartouches de mépivacaïne à 3% à un patient en bonne santé de 75 kg. Et, quelle qu’en soit la raison, on a besoin d’en réinjecter pour achever les soins prévus.

  • On calcule d’abord la quantité de molécule anesthésique déjà injectée
    Nous savons que, pour un anesthésique local à 3%, présenté en cartouches « standard » de 1.8 mL, chaque cartouche contient 54 mg de molécule anesthésique. Voir Tableau 1 du post précédent.

    Donc, pour 3 cartouches :
    3 x 54 mg = 162 mg de mépivacaïne.

  • On revérifie ensuite la dose maximale recommandée pour la molécule anesthésique en fonction du poids du patient

    Je vous rappelle que nous sommes censés l’avoir déterminée avant même de faire la première injection…
    La dose maximale recommandée pour la mépivacaïne est calculée sur la base de 6.6 mg par kg de poids corporel. Voir Tableau 2 du post précédent.

    Dans ce cas particulier, la dose maximale recommandée est, théoriquement :
    6.6 mg x 75 kg = 495 mg.

  • On vérifie que la dose maximale recommandée ainsi calculée n’excède pas la dose maximale absolue
    Il existe une limite maximale absolue à ne pas dépasser durant une séance se soins (c’est-à-dire, quel que soit le poids du patient) : 400 mg pour la mépivacaïne. Voir Tableau 2 du post précédent.
    On retient toujours la dose maximale recommandée la plus basse entre la DMR calculée (495 mg) et la DMR absolue (400 mg) : dans ce cas 400 mg.
  • On calcule enfin la quantité supplémentaire injectable par différence entre la dose maximale recommandée finalement retenue et la quantité déjà injectée
    400 mg (dose maximale absolue) – 162 mg (dose déjà injectée) = 238 mg.
  • On convertit ce résultat, exprimé en mg, en nombre de cartouches, puisque c’est notre maître-étalon en clinique
    238 mg (supplément injectable) : 54 mg (quantité contenue dans une cartouche)
    = 4.4 cartouches supplémentaires.

Nous constatons, avec un indicible soulagement, que le total injecté, à savoir, 7.4 cartouches (3 cartouches initiales + 4.4 cartouches supplémentaires éventuelles) correspond bien au résultat présenté dans le tableau 3 du post précédent pour la mépivacaïne.

On injecte un supplément avec une autre molécule anesthésique

Cela ne vous est peut-être pas très habituel, mais doit être envisagé comme un cas de figure possible. Exemple : après anesthésie de bloc du nerf alvéolaire inférieur avec de la mépivacaïne à 3%, vous complétez pour le nerf buccal avec de l’articaïne à 4%, et finissez votre séance de soins par un traitement au maxillaire, nécessitant une analgésie avec cette même articaïne…

Dans les documents fournis par les fabricants d’anesthésiques locaux à usage dentaire, vous ne trouverez pas la moindre allusion à la conduite à tenir quand il s’agit d’utiliser plusieurs molécules anesthésiques dans une même séance de soins. Même constat pour les manuels d’anesthésiologie français, les notices de l’inénarrable ANSM ou la base de données publique des médicaments.

Il faut considérer, par prudence – abundans cautela non nocet -, que les effets toxiques des différents anesthésiques locaux combinés sont synergiques plutôt qu’additifs, même s’il n’en est pas strictement ainsi. Il convient donc de limiter la quantité totale injectable à la dose maximale recommandée de la molécule anesthésique la plus toxique (c’est-à-dire ayant la dose maximale recommandée la plus basse).

Pour le (re-)dire autrement : la quantité totale des deux molécules anesthésiques utilisées ne doit pas dépasser la dose maximale recommandée de la molécule la plus toxique.

Soit, par exemple un patient 60 kg à qui on a administré deux cartouches d’une solution de mépivacaïne à 3% (30 mg/mL), et pour lequel on va compléter avec de la lidocaïne 2%.

  • On calcule d’abord la quantité de molécule anesthésique déjà injectée
    30 mg/mL (solution à 3%) x 1.8 mL (volume de la cartouche) x 2 cartouches
    = 108 mg de mépivacaïne.
  • On calcule ensuite la dose maximale recommandée pour la première molécule anesthésique injectée, en fonction du poids du patient
    Je vous rappelle, à nouveau, que nous l’avons officiellement précisée avant la première injection…
    La dose maximale recommandée pour la mépivacaïne est de 6.6 mg par kilo de poids corporel, donc, dans ce cas :
    6.6 mg/kg x 60 kg=396 mg.
    La limite absolue pour la mépivacaïne est de 400 mg. Donc, on conserve la limite calculée selon le poids, qui est la plus basse : 396 mg.
  • On calcule ensuite la dose maximale recommandée pour la deuxième molécule anesthésique injectée, en fonction du poids du patient
    La dose maximale recommandée pour la lidocaïne est de 7mg par kilo de poids corporel, donc, dans ce cas :
    7 mg x 60=420 mg.
    La limite absolue pour la lidocaïne est de 500 mg.
    On conserve la limite la plus basse : ici aussi, c’est la dose maximale recommandée en fonction du poids, soit 420 mg.
  • On retient la dose maximale recommandée (DMR) la plus basse des deux molécules anesthésiques
    Ici, la DMR la plus basse est celle de la mépivacaïne :396 mg
  • Donc, on pourra injecter :

    396 mg (dose maximale absolue retenue ou DMA) – 108 mg (dose déjà injectée)
    = 288 mg de lidocaïne 2%.

    En cartouches :
    288 mg (supplément injectable) : 36 mg (quantité contenue dans une cartouche)
    = 8 cartouches.

Autre exemple : pour un patient de 70 kg, on a administré 4 cartouches de lidocaïne à 2% ; combien de cartouches supplémentaires d’articaïne à 4% pourra-ton lui injecter sans danger ?

On répond ainsi à l’autre question posée la dernière fois.

On a déjà injecté :
4 cartouches contenant chacune 36 mg de lidocaïne à 2% = 144 mg de lidocaïne.

La DMR pour la lidocaïne est
7 mg/kg x 70 kg = 490 mg, valeur inférieure à la DMA (500 mg).

La DMR pour l’articaïne est
7 mg/kg x 70 kg = 490 mg, valeur inférieure à la DMA que je vous ai recommandée dans le billet précédent (500 mg).

Les deux DMR sont égales : 490 mg. Sinon, bien entendu, on prendrait en compte la valeur la plus faible.

On peut donc injecter :
490 mg(DMR) – 144 mg (déjà injectés) = 346 mg d’articaïne à 4%.

Soit, en cartouches : 346 mg : 72 mg = 4.8 cartouches.

  1. Vous arrive-t-il d’utiliser des molécules différentes d’anesthésiques locaux lors d’une séance de soins ?
  2. Aviez-vous déjà réfléchi aux éventuelles difficultés que cette situation peut soulever ?

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